samedi, novembre 25, 2006

L'indicible - 3 -

On pourrait les appeler Maldoror à la rigueur, tenter d'apprivoiser une idée qui ne s'exprime pas mais est ce que cela nous aidera à les regarder en face ? Je ne crois pas.

On tente de se rassurer en affirmant que de nombreuses choses peuvent être dites en très peu de mots. C’est là, à mon avis, se contenter de bien peu mais cela rassure certainement la majorité d’entre nous. Ne pas vouloir savoir, voilà ce qu’il en est, voilà ce qui est rassurant, ce à quoi on s’accroche désespérément. En effet, que gagnerait on au fond ? Tout est bon pour ne pas y penser, pour faire mine de savoir de quoi on parle, de donner l’assurance de celui qui sait, à coup de sous entendus à n’en plus finir, toutes ces paroles bienveillantes qui ne veulent rien dire, misérables cache sexe à l’indicible.

Longtemps, je n’ai pas voulu le voir et encore moins l’admettre mais un jour j’y suis venu, moi aussi, comme tout le monde allais je dire ….

Comme des cris dans la tête, de petits cris stridents et répétitifs qui semblent appeler en lui une idée de bonheur dont on ne peut pas se satisfaire. Une légère brise dans le dos pour faire partir cette sensation mais elle revient bien vite. Ce qui en reste, c’est ce long silence que l’on voudrait voir vite interrompu par cette même série de cris, aussi insupportables que nécessaires.

Cher Joris

30 septembre 2006

Cher Joris,

je t'écris ce soir sans réel espoir de pouvoir faire quoique ce soit mais si je n'écris pas,
je sers à quoi ? Je ferais sans doute mieux de m'abstenir mais ce serait mentir à celui qui m'a arraché des larmes tout à l'heure, tu sais, j'en suis encore à me persuader que c'était les deux verres de Merlot que j'avais bu juste avant, tu vois, où j'en suis.

Ma seule chance c'est ça, les mots, les mensonges à moitié assumés, les vérités pas toujours bonnes à dire. Sentir et ressentir le vide de la même façon que d'autres respirent ou se lèvent le matin avec l'assurance d'y être, dans la bulle de leur "ici et maintenant", le sentiment sans doute de ne pas se tromper, de surtout ne pas se tromper, en fait, de se mentir tranquillement pour que personne ne souffre.

Mais il n'en va pas ainsi. Ce serait faire déshonneur aux aspérités qui nous déforment monstrueusement, parfois, qui font de nous ce que l'on pourrait appeler des humains.

Le processus est difficile. Surtout pour ceux qui ignorent la Vie Immédiate, toutes ces choses à portée de mains mais qui ne valent sans doute pas la peine que l'on se baisse pour les ramasser.

Alors, on s'effondre sans bruit, sans que personne ne s'en aperçoive, on prie pour se rappeler le texte que l'on devait dire, on prie pour bien répondre lorsque l'on s'adresse à nous par notre prénom, on prie pour rien et son contraire et puis on oublie de prier, on flotte sans doute, on a un bout de bois informe, qui ne ressemble sans doute pas à l'idée que l'on se fait d'une vie, mais on se raccroche parce qu'il en est ainsi.

Sortir dans la rue, tourner à droite ou à gauche, tourner en rond, rentrer à la maison, remettre ça à plus tard.

Cher Joris, je ne sais pas ce qui t'arrive vraiment, nous sommes tous si différents, je sais juste que c'est flippant de ne pas savoir pourquoi on en est là. On ne peut pas quand même pas accepter de s'en remettre au bon vouloir d'un je ne sais quoi pour perdre le goût de tout. Cela fait trois ans que chaque hiver, j'en passe par là, de façon plus ou moins marqué mais toujours avec la certitude absolue et absurde que cela va passer. Non pas parce que je sois bien soigné ou parce que j'ai des amis formidables, non, c'est là, planqué en moi et invariablement il arrive un moment où je ne me reconnais plus et où tout est filtré, flou et sans saveur.

Je sais que la vie immédiate ce n'est pas pour moi, je suis définitivement en différé mais la plupart du temps la retransmission n'est pas si mal.

Avec toute mon amitié

mercredi, novembre 15, 2006

Virginie, août 2005

Virginie, août 2005

Chère Virginie je n'ai pas de nouvelles depuis quelques mois. Je suis passé à Saint Etienne de jour pour la première fois depuis 5 ans ou plus. J'espérais que tu allais me faire signe, je t'ai écrit en te laissant mon numéro de portable, tu sais, j'ai certains jours où je suis tout à fait fréquentable, cela a été le cas lors de mon passage. J'ai logé chez les parents de mon ami Christophe, au Soleil, trois jours durant, le temps de faire le tour de mon passé. J'avais ce sentiment stupide, cette impression erronée que j'avais laissé quelque chose d'important et de fondamental dans cette ville. Je m'étais trompé car j'étais déjà à la masse, bien avant que je ne le sache vraiment.

J'aurais aimé que tu m'appelles.
J'aimerais que tu viennes me voir sur Coulommiers même si je comprends que cela n'est pas possible.

(...)


Aujourd’hui, je rentre chez moi mais ce n’est plus chez moi. Beaucoup de gens doivent savoir de quoi je parle. Difficile de parler de chez soi lorsque l’on est parti et que l’on sait pertinemment que le temps a été plus que long et sans aucun doute, efficace.

Visite après visite, certains tableaux d’un musée que j’affectionne tout particulièrement me semblent être aujourd’hui différents, de façon subtile et peut être, précaire. Pourtant je sais bien que ce n’est que moi qui suit différent, mes humeurs, ce que mes yeux ont pu voir avant de rentrer dans la salle d’exposition, etc …

Là ce n’est pas la même chose même si je me demande si mon évolution n’a pas suivi, sans le savoir, celle de ma ville, natale.

La ville dont je suis parti il y a sept ans ne ressemblait à rien à mes yeux. Ce n’était qu’un amas de rues tarabiscotées, de murs gris seulement reliés les uns aux autres par d’anciennes galeries de la mine ainsi que par les sentiments que j’avais pu y investir.

J’ai eu envie de revoir la colline de Montaud, l’escalier aux milles marches, la rue de la Sablière, le cinéma où j’ai travaillé et la vue depuis le balcon de la maison où j’ai vécu. Mais …

Je reviens, fils de rien, héritier de personne, partenaire d’un demi fantôme, homme amoral, bête sociale. Ami de mes amis et de pas grand monde de plus

Alors ? Pourquoi s’attendre à reconnaître ? Pourquoi s’attendre à être reconnu ?


4/07/2005

(...)


Virginie, c'est bientôt octobre.

Toujours pas de nouvelle.

Vie Immédiate -8-

Vie Immédiate, vie délayée dans un temps où l’amour n’a été qu’un prête - nom.

Pourquoi l’écrire ?
Pourquoi le dire ?
Parce qu’on le ressent comme l’évidence même, tout simplement.

Au-delà de ce qui a été dit et de ce qui reste à vivre, on peut toujours essayer de garder en soi la conviction profonde que tout n’est pas encore joué, dans l’instant, dans cet immédiat dont tout le monde se gargarise ; pour celui qui garde en lui, précieusement et aujourd’hui presque oubliés, toute une collection de souvenirs aigre-doux, quels leviers actionner ? Quels fils divins dévider ? Maintenant.

Loin de se cacher à l’intérieur d’un mensonge, loin de se résigner à ne vivre qu’au sein d’un pétale de moments congelés, il voudrait s’ouvrir, inventer de nouveaux réflexes. Echapper à la parenthèse qu’il semble avoir adopté définitivement.

Vie Immédiate qui ne donne pas son véritable nom au premier rendez vous, ni au second, ni jamais, je crois.

Elle, pourtant, je l’imagine élancée, fine et brune. Vie Immédiate, elle, elle seule et pas une autre. Une rencontre pareille à nulle autre. Mais, suis-je à ce point prévisible qu’elle a déjà esquivé toutes mes questions avant même que je n’aie le temps d’ouvrir la bouche ? Suis-je si lent qu’elle a déjà esquissé un mouvement de fuite alors que j’en suis encore à me demander si je l’enlacerai à la taille ou aux épaules ? Prévisible car humain dans son immobilité la plus simple, lent car désireux de s’oublier avant même de désirer exister. Un seul constat, l’évidence qui tourne en rond. Il ne me reste plus qu’à inventer la suite. Fuir dans des souvenirs construits de toutes pièces.

Pourtant, c’est une brune qui a grandi, expression concrète et quasi millimétrée de ce qui n’a pas eu lieu, alors … C’est sans doute à ça que servent les rêves, à combler les vides, à satisfaire les plaisirs ô combien inexistants, et pourtant … Elle existe. Elle, creusant inexorablement la même faille, jouant au passe muraille avec une histoire qui n’aurait pas eu lieu. Du moins pas tant que je ne me décide à en décliner les méandres.

Difficile de la reconnaître tant que l’on s’obstinera à garder les yeux ouverts. Quand bien même elle n’aurait pas de raison d’être, elle sera là, pimpante comme au premier jour, effarouchée de tout ce pouvoir qu’elle a sur moi. Prête à tout pour vivre avec moi dans ce monde où les escargots grimpent au plafond par ennui et où les papillons s’accordent à danser sur une musique glaciale.

Ne me demandez pas de vous en dire plus, tout ce que je sais c’est qu’un jour cette fille existera telle que je vous la décris aujourd’hui. Pure, raide dingue, gracieuse funambule sur sa belle béquille, vierge aussi puissante que redoutée. Comment échapper à cette certitude qui n’a pas encore eu le temps d’être ?

L’idée n’est plus et s’évapore. Tout redevient possible. On vit, on meurt, on ferait bien d’y prêter un peu plus d’attention à cette phrase : « tout redevient possible » et on ferait mieux d’y croire une bonne fois pour toutes, Vie Immédiate ou pas. Flamboyante et ultime tout comme cette vision d’un au-delà de carton pâte. Pourtant, elle s’est parfois rendu là où il n’y avait rien, elle a ce pouvoir mais ne sait qu’en faire. Délicieuse et troublante, elle sait que cela ne sert absolument à rien car l’illusion l’abandonne à nouveau, sans crier gare.

La Vie Immédiate, telle que je l’ai un jour refusé, toujours et encore toi, prête à te jouer de nous tous, de te moquer de moi à l’occasion ; flamboyante et ultime, tout comme elle qui hélas ne le sait pas.

L'indicible -2-

A la source même, la volonté de revenir à l'origine de toutes choses et de nier cette origine avec toute la force dont on est momentanément capable. Remonter le cours de notre âge, comme une longue avenue bordée de peupliers qui n'ont pas su voir. S'ériger en un mensonge qui se rêverait permanent.

Eux, ils le traquent. Ils se raisonnent parfois, s'accrochent à ce qui leur tient lieu de réalité puis finissent un jour ou l'autre, toujours trop tôt sans doute, par craquer, passer à l'acte et proclamer l'indicible à la face du monde.

Je les devine plus que je les vois. Personne ne les voit vraiment et qui le voudrait réellement d'ailleurs ? Eux et leur monstruosité, remède à tous les pièges, affront ultime, définitif au delà du pardon, l'indicible, encore.

Après tout, leur vie n'a t'elle pas d'autre sens que dans leur transgression ?
Comment les comprendre si l'on n'est pas soi même un des leurs ?

On dit souvent que le mal est en eux depuis leur plus petite enfance mais pourquoi se leurrer avec des explications aussi creuses, n'est il pas plus simple en fait de ne pas chercher à comprendre de peur de se reconnaître dans un miroir affreusement difformant ?

lundi, novembre 13, 2006

Musique à usage personnel : Leonard Cohen Famous blue raincoat

Etait ce simplement à cause de lui ou bien alors parce qu’il me rappelait quelqu’un d’autre ?

De prime abord, je n’aurais juré de rien si ce n’est que son visage m’avait frappé. Difficile d’en dire vraiment plus. Du moins dans un premier temps car il y avait bel et bien quelque chose qui m’interpellait chez ce jeune homme. Peut être son regard qui m’évitait trop soigneusement alors que nous nous faisions face au dessus du comptoir d’un bar du vieux Barcelone.

Cela ne ressemble pas à un hasard. Je m’attarde sur ses mains. Je reconnais leur langage mensonger, je les ai déjà vu ensorceler les âmes faibles. Et puis, je finis par me souvenir d’un gitan d’un autre temps, pratiquement d’une autre vie, étrange baladin si souvent immobile, toujours là aux funérailles des hommes à femmes. Toujours là également pour parler et parler avec ses si délicates mains, parler et ne dire absolument rien ; en tous cas rien qui ne puisse se retranscrire simplement sur du papier.

Sur les marches d’un temple déjà en ruines, j’ai naguère vu ce garçon parler à un rabbin avec l’air de n’y être pour rien, comme un petit garçon pris en défaut d’idéal absolu. Je le regardais alors soulever ses lourdes paupières comme je le regarde aujourd’hui m’éviter, soulève donc tes paupières trop lourdes pour moi et rappelle moi donc ton prénom.

La dernière fois que j’ai eu de tes nouvelles, tu avais pris cent ans d’un seul coup, tu ne croyais plus en rien et surtout pas en ton destin que tu t’étais forgé de toutes pièces. Ton avenir d’imposteur délicat s’était soudain cassé la gueule, rattrapé par les remords. Foudroyé par toi-même ? Je ne saurais jamais.

Alors ? J’attends. Où est passé ton courage bravache ? Ton ironie dorée ? Que fais tu de tout ce que nous nous étions dit ? Tes promesses et mes menaces ? Mais rassures toi, je ne te parlerai pas de ma femme, de ce que tu lui as fait, de ce qu’elle n’attend plus aujourd’hui, si ce n’est les mains d’un inconnu comme toi.

Alors ? Viens mon ami, éloignons nous de cette fête, parlons encore un peu. Ne me laisse pas seul avec ce refus de regarder une dernière fois quelqu’un qui me ressemble tant.

vendredi, novembre 10, 2006

Que demain (brouillon de chanson)

Que demain (brouillon de chanson)


Je n'oublie pas tous tes mensonges,
tous ces "toujours" et tous tes "jamais".
Comment le pourrais je après tout ?
Comment regarder ailleurs qu'ailleurs ?

Je n'oublie surtout pas tous tes mensonges
ton envie de m'y faire croire malgré tout.
Comment le pourrais je après tout ?
Comment regarder ailleurs qu'ailleurs ?

Alors, si tu pars n'oublie pas de me rendre les clefs,
n'oublie pas de m'oublier,
je peux t'assurer que ce n'est pas demain
que je vais vouloir te revoir.

Aujourd'hui,
Encore moins
Que demain.

Je n'oublie pas le jour où notre origine
s'est transformée en tombeau
Comment le pourrais je après tout ?
Comment regarder ailleurs qu'ailleurs ?


Alors, si tu pars, n'oublie pas de me rendre les clefs,
n'oublie pas de m'oublier,
je peux t'assurer que ce n'est pas demain
que je vais vouloir te revoir.

Aujourd'hui,
Encore moins
Que demain.

Aujourd'hui,
Encore moins
Que demain.

L'indicible -1-

L'indicible -1-


L’indicible tient à très peu de choses et pourtant il est là, à l’orée de notre conscience, prêt à se manifester au premier signe de faiblesse. Embrasser le monde entier dans une folle étreinte et mettre un mot sur cette mer de sensations, croire que cela est possible.

L’indicible se tient là, le jour où nous balbutions nos premiers mots afin de s’assurer que, justement, nous ne dirons rien de ce qui ne doit pas être dit. Il naît et meurt avec notre propre innocence et c’est à travers celle des autres que certains tentent de le retrouver, d’où la violence, inévitable, et l’indicible.

Cela débute comme presque tous les autres constats : rendre possible ce qui ne l’est pas. Mettre à bas un mystère qui nous a tous tenu en échec, faire sien un credo qui vous ferait passer pour un fou, tordre le cou à cette ignorance qui nous éloigne irrémédiablement des Dieux, d’où la violence, irrémédiable, elle aussi.

Au delà de la franchise de certains, dans ses longues secondes qui s'égrènent lorsque l'on apprend l'impensable, je retrouve l'indicible.

mercredi, novembre 08, 2006

Mary Ann 5

Mary Ann 5

A cet instant précis, Mary Ann aurait désiré plus que toute autre chose au monde avoir la possibilité de se voir à travers les yeux d'un inconnu situé à quelques mètres sur sa gauche afin de pouvoir mieux comprendre ce qui lui arrivait. Une main sur son épaule ... Expliquer et tenter de rationaliser ce frisson qui lui remontait l'échine en ce moment même pour finir par une gerbe de feux d'artifices dans ses yeux à elle, que lui heureusement, ne pouvait pas voir pour l'instant.

« J’ai essayé de lui dire adieu mais, bien sûr, j’en étais incapable et je le savais dès le départ. La clarté et le définitif, ce n’est pas mon genre, que voulez vous ? Je suis comme ça et il est trop tard pour que j’envisage de devenir quelqu’un d’autre, quelqu’un qui serait sûr de ses sentiments et pleinement conscient de ce qu’un « peut être » peut entraîner chez les autres. »

La main qui venait de se poser sur l’épaule de Mary Ann était autant celle du bourreau que celle de celui dont elle voulait faire son amant. Sur l’échafaud, que nous reste t’il si ce n’est un souvenir précieux qu’on n’oserait compter à personne et qu’aujourd’hui on va pourtant révéler à la foule massée devant nous. Lorsque le supplice et la délivrance se jurent amour, à toujours et à jamais.

Le reste du concert que Mary Ann était venu voir dans un premier temps n’avait plus d’importance. Il était là, tout près d’elle, et c’était la seule chose qui importait vraiment. Mary Ann s’en voulait de ressentir autant de désir pour un homme, le genre de choses acidulées et croquantes que certains appellent « amour » et que Mary Ann ne saurait pas nommer de si tôt. Quand bien même, elle était décidée pour une fois à aider le hasard et à lui donner ce qu’elle voulait par-dessus tout.

Elle allait en effet devoir manœuvrer au plus juste car rien n’était simple avec un bourreau de cette trempe là. Dans un premier temps, évincer tout le monde, ensuite éviter à tous prix une soirée interminable dans un rade vers la rue de Charonne qui n’avait jamais la bonne idée de fermer à une heure décente. Il fallait agir. Embrasser le destin.

Mais la main de son bourreau pressée délicatement sur son épaule, à mi chemin entre la menace et la caresse, alors que tout le monde se dirigeait vers la sortie. Mais les palabres devant l’Elysée Montmartre pour savoir qui faisait quoi, utiliser une rhétorique qu’elle s’ignorait posséder pour rapatrier toute la troupe dans l’arrière salle d’un café proche qui, elle le savait, fermait à une heure. Ce fut pour finir un mot griffonné à la va vite aux toilettes puis remis discrètement à son tendre bourreau, qui s’ignorait victime en devenir, pour se retrouver plus tard dans une boîte tranquille de la rue Saint Denis. Tout ça sous les yeux d’un Stanley White à moitié dupe qui se demandait bien pourquoi on n’allait pas faire la fête jusqu’au bout de la nuit.

Paul est un fantôme : Tout ce blanc à perte de vue ....

Avec toi, voir ce n'est pas seulement ouvrir les yeux.
Voir, c'est apprendre à ignorer toutes les raisons de garder une bonne fois pour toutes les yeux fermés.

Tu ne vois donc rien ?
Les yeux écarquillés devant l'inconnu,
les yeux grands ouverts lorsqu'il n'y a rien à voir,
Je ne veux plus chercher à comprendre.

Il vaudrait mieux que tu n'aies plus le don de la vue.
Cela te donnerait peut être une excuse pour m'ignorer
Et ne pas faire semblant de croire que je suis encore ici et là,
à l'heure où le temps a décidé de nous rattrapper.

Il a été si facile de sauver les apparences
mais qui viendra nous sauver, nous ?

Tout ce blanc à perte de vue ....

Vie Immédiate 7

Vie Immédiate 7


En conclusion,
rien d’immédiat,
surtout rien d’immédiat.

En définitive,
pas de traumas,
surtout pas de traumas.

En aparté,
pas de révélations,
surtout pas de révélations.

En somme,
début de la moisson.

Les noms ont changé,
les enjeux restent pourtant les mêmes.
Une vie digne d’un éclat
Ou
A peine une ombre sous les pierres.

A voir et à paraître à la fois,
Se faire mordre
Et sucer à la source, en juste retour des choses.

Enfin un sourire arraché à ta Triste Figure,
Très chère Vie Immédiate,
Mais croire à ce genre de sourire
Et ne pas croire à l’idée de Chute,
Ainsi il en va de ceux qui ne veulent pas apprendre.

Vie Immédiate,
Empire si personnel
Aux contours diffus pour ceux qui ne la méritent pas,
Comme moi,
Aux contours si affreusement précis
Que nos vies ne s’en remettront pas.

A travers le délicat reflet des blancs des lumières industrielles,
Attendre,
Que le sentiment le plus intense vienne à moi.
A défaut,
S’entendre dire que l’on ne peut pas être aimé.
Tout simplement.

mardi, novembre 07, 2006

Mary Ann en aparté

Mary Ann en aparté

Un rendez vous pris avec le bourreau, un rendez vous ô combien crucial, pourtant reporté à plus tard comme si elle en avait le choix, et pourtant, le plaisir de s’asseoir à une table de café et de regarder les autres clients attablés, les autres, pressés eux aussi de n’arriver nulle part ; pas le genre de rendez vous que l’on peut se permettre de manquer, quoique …

A croire que chacun porte en soi une malédiction si intime qu’on ne lui connaît pas de nom mais celle là, je ne la lui souhaite pas. Autant être un escargot dans ce cas. A attendre de s’accomplir dans un instant apparemment interminable, dans un ciel vide et limpide, oublier ce qui lui importe vraiment. Lorsque ces bandes de moins que rien lui avouaient qu’ils ne savaient pas l’aimer, qu’ils ne le pouvaient pas, tout simplement. La terrible horreur de la simplicité même. Blanche et aveuglante.

Depuis, elle en a oublié bien des choses. A commencer par le regard qui se pose sur son épaule savamment dénudée, « just in case » n’avouera t’elle pas. Oublier et par la même devenir ce qu’elle voulait être, pas un seul reflet pour les gens de mauvaise compagnie. Alors, on l’a vue danser, transformer son corps en une toupie de sentiments, tous plus elliptiques les uns que les autres. Se sentir admirée de tous car n’admirant personne, à force de coups de butoir désarticulés. Ignorant les prétendants d’Hélène, à deux encablures de l’immortalité.

Dans le vide délicat du blanc industriel, attendre mais pas de la même façon, se demandant si les choses viendront à elles comme cela arrive si souvent aux autres. Mais à défaut de Vie Immédiate, elle n’a connu pour l’instant que le refus de certains à l’aimer, tout simplement.
Elle devint pourtant une femme admirée, admirée par beaucoup car ne s’admirant surtout pas.
Etre choisie, désignée du doigt car l’amour ne se donne pas à un prétendant, il se donne forcément à celui que l’on sait être un bourreau. D’où la main qui se pose ce soir sur son épaule, à la fin d’un concert des Dandy Warhols.

lundi, novembre 06, 2006

Vie Immédiate 6

Vie immédiate 6

A la croisée des chemins, entre la Vie Immédiate et la Vie Irrémédiable, il faudrait désormais pouvoir choisir. Pour enfin donner un sens à toutes les erreurs passées. Surtout éviter de jouer aux faux semblants puis effacer du dictionnaire le mot faux semblant ; être aussi vrai que possible : se taire.

Je me rappelle la cohérence des débuts avant que tu ne viennes jouer avec moi dans la cour des petits, que tu ne m’arraches à mes jeux inconséquents, ce vieux silence et cette si vieille immobilité pour un temps. Te regarder jouer toute seule désormais, Vie Immédiate, se sentir pousser des racines, plier mais ne pas casser, désirer avec le Temps de goûter au désir, jouer avec toi mais sans toi, en fin de compte.

Vie immédiate, non, pas tout de suite, attends un peu, tu vas trop vite, je te perds de vue et je reste là à contempler le vol paresseux et fébrile des papillons d’un beau jardin anglais, le chat qui s’étire après une longue nuit agitée et moi qui écrit, qui ne parle que de toi.

A prendre avec des pinces, avec un luxe infini de précautions, sans aucun doute : Vie Immédiate, vie à reconsidérer dans son ensemble sans qu’aucune ligne directrice ne vienne s’en dégager … en conclusion

vendredi, novembre 03, 2006

Et après

Et après,
je n'aurai plus jamais de ses nouvelles.

Comme si cela m'importait vraiment en fait. Cela ne changera rien à rien.
Cela ne m'empêchera pas de me lever le matin, de mettre sur la platine The Electrician de Scott Walker, de mettre en route une bonne vieille cafetière salutaire, toujours trop fort le café mais je ne sais pas doser, d'allumer ma première clope et de jeter un coup d'oeil au ciel.

Temps gris, sortir prendre l’air du temps, ne pas oublier le clip où l’on voit Denis Lavant se faire écraser par une voiture dans un tunnel, sourire aux passants mais ne pas les regarder dans les yeux. Être absent et réel à la fois. Continuer comme ça pendant des heures jusqu'à revenir au point de départ.

Allumer ensuite l’ordi, se connecter et faire semblant comme je sais si bien faire. Attendre que ça passe, car ça passe toujours.

Vie Immédiate 5

Vie immédiate 5

Ce que j’attendais d’elle, je ne l’attendrai de personne d’autre. Je le sais et n’y peux pas grand-chose. C’est elle et pas une autre. Il en va ainsi des plans à la va vite, tout s’effondre sans que l’on sache pourquoi et sans que, finalement, on s’en préoccupe réellement.

Vie immédiate, à nouveau reportée aux calendes grecques, de peur de tout dire trop vite, de mal faire, de déposer les armes avant qu’il ne soit l’heure de le faire pour de bon. Peur par exemple de s’exposer au soleil, d’être sincère et de ne pas en réchapper, cette fois.

Sentiment vain mais si nécessaire, Chère Vie Immédiate, ma douce et tendre aberration, je te décommande, ne m’en veux pas, je suis trop occupé à ne rien faire. A m’investir de tous les pouvoirs nécessaires afin de ne surtout pas regarder dans ta direction. J’en ai trop vu. J’en ai trop bavé de toi, de ton immédiateté à la noix. Désolé, je ne suis décidemment pas à la hauteur, ne m’en veux pas trop, je ne peux plus me montrer à la hauteur de toutes ces choses qui ne riment à rien. On remet ça à une autre fois si tu veux bien, un autre de mes rendez vous manqués dont j’ai le secret, comme celui de samedi si tu vois ce que je veux dire.

Je ne serai cependant pas très long avant de revenir sur ce que je te confie aujourd’hui. Mais je ne suis pas prêt, pas encore. Pas envie de me parjurer sur la promesse de quelque chose que je n’ai jamais tenu en main, quelque chose que je n’ai pas hésité à remettre en question à chaque fois qu’il m’en a été donné l’occasion. Se renier pour toi, et puis quoi encore ? Laisser tomber toutes mes sempiternelles habitudes ? Pour une ébauche de sourire qui en plus se veut froid ? Pour une main prêtée sous les draps parce que je n’arrivais pas à dormir ? Pourquoi pas en fait ? Mais fais vite, Chère Vie Immédiate … Frappe vite et fort avant que l’idée de me mentir ne soit la plus forte ; à nouveau.

Tout gâcher dans un seul instant de précipitation, de spontanéité … j’ai l’impression que tu attends peut être trop de moi ou alors … je ne sais pas. Me regarder dans la glace le soir et être simplement capable de te deviner dans les rides qui me font face. Te rencontrer chaque soir au détour d’une ride qui n’était pas là la veille. Non, je ne suis pas prêt. Cela se traduit comment ? Toujours face à la glace, le matin cette fois ci, en ne reconnaissant, après un long examen minutieux, dans mes traits aucune des promesses que je me suis engagé à tenir la veille. Je me regarde et je ne vois rien que je ne connaisse pas par cœur. Pas même une lueur d’amusement dans mes yeux, pas le moindre indice qui laisserait soupçonner autre chose que ce que je sais déjà, par cœur. Tu vois ? Je me répète.

Vie immédiate, chère évidence aux yeux de certains, nébuleuse fugitive et redoutable dans le cœur de beaucoup d’autres. Comme, un poète qui croit follement à l’amour libre et qui se rend compte, en définitive, que son âme se contemple dans une immense mer de fidélité. Le poème qui en découlerait prend inévitablement ton nom, Vie Immédiate. Qui sait ce que tu nous réserves encore ?

jeudi, novembre 02, 2006

Cendres

Cendres

S’absoudre et abdiquer, non plus. Avouer ce qui est évident, sa beauté, son regard qui fuit.
Tout ce qui ne se dit pas lors d’une première rencontre.
Mais je ne dis rien, je cherche une circonstance de croire, de sourire en vainqueur évident de ce vain affrontement mais ce n’est pas si facile. Je suis le plus fort. Moi, l’autre qui me pourrit sur place.

On se rêve autre, on en fermerait presque les yeux, sûr que cette fois c’est la bonne mais voilà, on a trop bu, on titube et c’est la fin de la soirée. Rideau de Fer.

Se refuser à une personne, pas de temps à perdre à être vrai, préférer le rêve, toujours le rêve, car toutes les cendres du monde n’y suffiront pas.

mercredi, novembre 01, 2006

vie immédiate 4

Vie immédiate 4

Vie immédiate, objet chéri et prisé par ces dames, allusion à peine cachée à ce qui ne saurait attendre, une partie de jambes en l’air, un horizon oublié par des marins soudain trop pressés.

Aujourd’hui, la vie immédiate, tout de suite, à peine entraperçue ou imaginée, cela revient au même, vie immédiate qui sort de chez elle en avance sur son horaire habituel, pas vraiment soucieuse pas non plus trop rêveuse. La voir marcher le long de la rue, le dos délicatement tourné au chemin qu’elle s’apprêtait à suivre.

Aujourd’hui, je la vois enfin se perdre dans un quartier où elle n’a jamais mis les pieds, dont elle ignorait même le nom, voire la simple existence. La voir perdre un instant durant ce dont elle n’a jamais eu besoin et retrouver un sens de l’inattendu dont elle ne savait que faire un jour plus tôt.

Vie immédiate, achevée avant même d’avoir commencée, suspendue à un souffle qui ne veut pas se donner, achevée parce que trop rêvée à l’avance, suspendue à un souffle beaucoup trop court ; de peur d’y être enfin, on recule bien trop souvent, tout comme elle au moment où je vous parle. Vie immédiate, inaccessible, aussi longue et inutile que le mot inaccessible lui-même.

Vie immédiate, brisée avant le coup de feu, brisée, violée, pillée, remise au rebut parce qu’il le fallait bien.