Avait il été rejeté ne serait ce
qu'une fois ?
Avait il seulement senti s'abattre sur
lui l'envie de disparaître aux yeux de la femme qu'il désirait ?
Encore une après midi, paralysé par
le doute, incapable de tourner la tête vers une des reproductions
qui ornaient son salon. Pas de point de fuite à l'intérieur, pas
d'accès express sur l'extérieur.
A l'extérieur, la certitude de ne
jamais avoir fait fausse route. A l'intérieur, la volonté de faire
d'une erreur universelle la règle de conduite à suivre jusqu'à la
fin de ses jours. Entre les deux, le Rideau de Fer qui se craquèle
de partout. Qui laisse passer des choses qui ressemblent étrangement
à des sentiments.
Et pourtant, ce jour là tout était
différent.
Tout ça parce qu'elle pleurait la
nuit.
Presque tous les soirs et ceci depuis
la première fois où elle était restée dormir chez lui. Elle le
réveillait tard dans la nuit par de longs sanglots à moitié
étouffés dans le sommeil et par des propos confus où il était
question de lui, d'elle et d'une séparation prochaine qui la faisait
déjà souffrir. Le matin lorsqu'il l'interrogeait sur sa crise
nocturne elle jurait qu'elle ne se rappelait de rien, que ce n'était
pas possible. Il finit par la croire.
Bien évidemment, il tentait de la
réconforter. Parce qu'il voulait se rendormir tranquillement, sans
doute mais aussi parce que son angoisse à elle commençait à être
communicative. Il lui disait des choses tout bas, des phrases
convenues qu'il ne comprenait pas lui même. Parfois même, il la
prenait dans ses bras, la berçant délicatement en disant "tout
ira bien".
Aujourd'hui, il se demandait si ce
n'était pas elle, de fait, qui le rejetait déjà, alors que tout
allait bien, pour ainsi dire, si ce n'était toutes ces nuits à
pleurer, les yeux et les poings fermés.
Aujourd'hui, il faut bien se dire que
nous n'en serions pas là s'il avait été rejeté ne serait ce
qu'une fois, si seulement il avait senti s'abattre sur lui l'envie de
disparaître aux yeux de la femme qu'il désirait.
Sans doute n'aurait il pas passer le
reste de sa vie à faire semblant.