lundi, juin 13, 2011

Le cœur est un chasseur solitaire

Le cœur est un chasseur solitaire

S’il était un organe, il serait sans doute un cœur qui ne bat pas. Qui ne bat plus. Qui a battu trop vite et qui a flanché avant le grand effort.

S’il était un cœur, il serait un cœur pensant.

Un cœur à l’image d’un chasseur solitaire, à la poursuite de l’espace découpé entre les doigts de la main d’une femme, toujours la même femme.

Un chasseur, donc, qui se lève tôt et qui part armé de cette folle prétention de croire qu’il ne rentrera pas les mains vides. Un matin se succédant à un autre, le chasseur perdant peu à peu de vue ce qui était une cible pour n’être plus qu’une idée se résumant à ça : le cœur est un chasseur solitaire.

Ainsi, il avance fièrement le cœur recroquevillé dans une main qui ne tremble plus.

La chasse, car c’est bien de cela dont il s’agit, dure depuis plus d’un siècle ou du moins c’est ce qu’il me semble quand soudain il m’apparaît de plus en plus évident que la proie a trouvé le chasseur qui lui convenait. Elle répond au nom de Bline et à elle seule, elle réussit jour après jour à travestir l’ordre immuable de la traque. Soudain, c’est lui qui manque à chaque instant de se dévoiler et de se déverser dans le grand concert de l’humanité. Elle a bel et bien un nom mais une existence si difforme que je ne peux la reconstruire que par bribes.

Le cœur dans la main du chasseur se met lentement à palpiter mais il ne s’en rend pas compte et il continue à faire comme si de rien n’était.

Et ces bandes magnétiques

Et ces bandes magnétiques
qui nous ont capturés.
Et ces vases trop vite éclos
qui nous ont desservis.

Peut-on s’en prendre
à quelqu’un d’autre ?
La première faute,
peut-elle être partagée ?

Et ces paroles malheureuses
qui nous ont trahi.
Et ces rares moments de vide
qui nous ont défini.

Peut-on s’en prendre
à quelqu’un d’autre ?
La première faute,
peut-elle être partagée ?

Ce que je déplore,
c’est l’abandon du jour et de la nuit.
Ce que j’accuse,
c’est le temps passé avec d’autres que toi.
Je me récuse et je m’enfuis.

Pouvez vous définir l'amour ?

Pouvez vous définir l'amour ? (à finir)

Il n’y pensait plus.
Il se retenait de revenir là-dessus.
Il voulait perdre le contact et proclamer le lien défait.

Car s’il manquait un fil ou ne serait ce qu’une ligne, le schéma pourrait être écrit d’une autre façon. Il ne savait plus s’il aimait trop ou pas assez.

Cela devenait frénétique, une idée qui prenait vie et engrangeait une longue série de questions, dont la toute première était :
Pouvez-vous définir l’amour s’il vous plaît ?

A ce point de l’histoire, la seule chose dont il pourrait avoir honte, c’est de ne pas dire la vérité.
Il se devait à lui-même une correction morale qui l’avait abandonné depuis longtemps.

Une idée qui s’immisçait et prenait le pas sur tout le reste. A travers les lignes d’une biographie hâtivement rédigée, il retrouvait les échos d’une guerre qu’il n’avait pas menée à bien. Tout s’était passé sans son consentement. Il n’avait pas eu le temps, du moins c’est ce qu’il se disait à présent.
Il avait perdu toute chance d’être. Il avait été submergé.

Alors pourquoi ce sentiment d’inachevé ?

Exercice de style

Exercice de style (Peter Gabriel) inachevé

D’aussi loin qu’un visage cherche à se cacher,
il y a toujours un point de rupture qui nous ramène
au centre d’une pièce où tout reste à accomplir.

Et on a beau se cacher, se prémunir d’un risque à venir
Il y a toujours un visage,
derrière un visage
que l’on cherche à posséder, ne serait ce que pour soi.
Ou pour que tout le monde sache et découvre enfin
qui on est, ce à quoi on tient, ce pourquoi on s’est battu.
Ce visage aux milles refus.

Charango

Charango (exercice de style à la Mustango)

Pour une fois, pour cette seule fois
la cavalerie ne s’était pas fait attendre.
Car elle avait amassé des trésors de patience,
là bas dans le Klondike sauvage.
Dans ses territoires indéfinis
où l’étoile du shérif à le goût du plomb.

Elle est arrivée ici bien avant,
bien avant que les dés ne soient jetés.
A ce petit jeu, nous avions déjà perdu
bien plus que ce qui nous était permis de parier.
La cavalerie est venue et repartie
et la légende ne fait que se perpétuer.

Déjà, alors que la poussière n’est pas encore retombée,
A l’envers des décors quotidiens de Charango City,
Le chanteur de couleur enfourne son banjo
et chante l’épique,
des sabres étincelants
du soleil retenant son souffle,
des cris et de la hargne.
De la fuite du salaud de l’histoire.
Une bien belle chanson pleine de sueurs étrangères.

La ballade de la cavalerie qui ne s’est pas fait attendre.

jeudi, juin 02, 2011

Les mains pleines, les mains vides

Les mains pleines, les mains vides

« Ce que j’ai entre les mains, je n’en ai jamais voulu.

Autant se les couper une bonne fois pour toutes
», se dit il.

Des années entières à tenter de comprendre du bout des doigts ce que l’intellect se refuse à comprendre. De si longues soirées à triturer ses doigts comme d’autres pressent le jus d’un citron.

Il en ressort que je suis encore là à écouter un énième disque que je connais par cœur. A rêvasser, encore et encore sur un accord mineur auquel on ne s’attendait pas, ou bien sur une fausse note qui sonne pourtant si juste.

L’image était séduisante. Une fausse note qui sonne juste comme la voix de ce chanteur chantre de Noam Chomsky. Comme une image de l’Ancien Testament, le temps où sous la tente, en fuite ou en exil, un peuple écrivait sans relâche les métaphores d’une civilisation en devenir.

Ce que prend la main est un sable qui n’a qu’un désir, s’écouler lentement entre les doigts et rejoindre son lit minéral. On peut supposer qu’il ne peut pas en être autrement, telle est la loi de la nature. Ce rêve de garder un jour ce sable indéfiniment, d’accorder sa voix discordante à une partition vieille de plus de trois mille ans. Une main qui se rêve pleine alors qu’elle est tout simplement vide.

Car ce qu’il n’avait jamais voulu, voilà ce qu’il tenait aujourd’hui dans ses mains.

Quand la mort viendra

Quand la mort viendra,
On nous dira qu’on nous a menti.
Que ce n’était pas notre mère
Qu’on n’avait pas de père,
Qu’on ne portait qu’un prête nom
Et que notre prénom était une invention.

C’est un jour sans fin
Pour ceux qui prêchent par excès de conviction.
C’est la fin d’une longue journée
Pour celui qui croit en ses papiers d’identité,
Outrecuidance de l’égo,
Toute ta vie n’est qu’un compte chinois.

Quand la mort viendra,
On nous dira qu’on nous a menti.
Que ce n’était pas de notre vie dont il s’agissait
Qu’on était marié à une illusion
Qu’on avait débauché une histoire sans fond
Et que notre prénom était une invention.

Du fil à retordre

Du fil à retordre

En arriver là,
à n’attendre d’en Haut
que la promesse insolvable.
Vivre à crédit dans un bureau de paille
et refuser de suivre les Croisés
lorsque la nature te l’impose.

En arriver là,
à mâchonner tout ce cuir
en pensant toute la nuit à celles
qui t’ont faussé compagnie,
laissant la porte ouverte
à l'hiver et aux procès en noir et blanc.

Te donner du fil à retordre,
te donner du grain à moudre.
Mais pourquoi ne pas l’accepter
et s’en tirer avec les honneurs ?

En arriver là,
Le squelette transi et figé,
L’envie d’en découdre oubliée.
Comme remontant le fil d’un fer
tordu et repiqué à certains endroits.
Comme un roi qui a abdiqué cent fois.

Te donner du fil à retordre,
te donner du grain à moudre.
Mais pourquoi ne pas l’accepter
et s’en tirer avec les honneurs ?

Exercice de style : Murat

Un jour sans fin

En espérant un pas grand chose,
un coup de sifflet sur le quai de gare.
Un signal de départ auquel seul le vent répond,
je sens le lien s’effacer
liquidé, je me sens comme épargné.
J'ai des envies de tempête
comme Néron, je sens l’incendie à venir.
C'est un jour sans fin, sans fin, sans la fin d’un jour sans fin.


J'aime vivre à l’abri des paratonnerres,
je reste sous la protection des néons fluorescents,
j'ai la tête trop électrifiée,
source d’un malentendu qui dure encore.
C'est un jour sans fin.

Quelques réflexions abandonnées, mes réflexes se bloquent.
Contraint, je parcours toujours le même chemin
mais j'ai autant d’espoir qu’un ver
qu'un loup édenté, castré.
C'est un jour sans fin

Et l'allure se trouble, se dédouble.
Le foie se penche par dessus
la rambarde, et l’amplitude se tait
car on sait que ce ne peut pas être.
C'est un jour sans fin

Le squelette se lasse, le sourire se fige.
L’ombre n’a plus la même portée,
les raisons se trahissent dans des tiroirs refermés.

Puis vient l’heure de détaler,
de relever l’animal qu’on a oublié
et l’alphabet émet un soupçon de reproche
par instants on s’en remet à ce qui était convenu.
C'est un jour sans fin.

C'est un jour sans fin, sans fin, sans la fin d’un jour sans fin.