dimanche, mars 15, 2009

Bline

Bline


Avait il été rejeté ne serait ce qu'une fois ?
Avait il seulement senti s'abattre sur lui l'envie de disparaître aux yeux de la femme qu'il désirait ?

Encore une après midi, paralysé par le doute, incapable de tourner la tête vers une des reproductions qui ornaient son salon. Pas de point de fuite à l'intérieur, pas d'accès express sur l'extérieur.

A l'extérieur, la certitude de ne jamais avoir fait fausse route. A l'intérieur, la volonté de faire d'une erreur universelle la règle de conduite à suivre jusqu'à la fin de ses jours. Entre les deux, le Rideau de Fer qui se craquèle de partout. Qui laisse passer des choses qui ressemblent étrangement à des sentiments.

Et pourtant, ce jour là tout était différent.

Tout ça parce qu'elle pleurait la nuit.

Presque tous les soirs et ceci depuis la première fois où elle était restée dormir chez lui. Elle le réveillait tard dans la nuit par de longs sanglots à moitié étouffés dans le sommeil et par des propos confus où il était question de lui, d'elle et d'une séparation prochaine qui la faisait déjà souffrir. Le matin lorsqu'il l'interrogeait sur sa crise nocturne elle jurait qu'elle ne se rappelait de rien, que ce n'était pas possible. Il finit par la croire.

Bien évidemment, il tentait de la réconforter. Parce qu'il voulait se rendormir tranquillement, sans doute mais aussi parce que son angoisse à elle commençait à être communicative. Il lui disait des choses tout bas, des phrases convenues qu'il ne comprenait pas lui même. Parfois même, il la prenait dans ses bras, la berçant délicatement en disant "tout ira bien".

Aujourd'hui, il se demandait si ce n'était pas elle, de fait, qui le rejetait déjà, alors que tout allait bien, pour ainsi dire, si ce n'était toutes ces nuits à pleurer, les yeux et les poings fermés.

Aujourd'hui, il faut bien se dire que nous n'en serions pas là s'il avait été rejeté ne serait ce qu'une fois, si seulement il avait senti s'abattre sur lui l'envie de disparaître aux yeux de la femme qu'il désirait.

Il ne lui restait plus qu'à faire semblant.

Le don de soi même

Cela pourrait tout aussi bien être le souvenir d’un corps d’une femme, ou d’une autre. Cela pourrait être l’oubli de ce qui a été, le rappel de ce qui n’aura plus lieu. Au choix. Tout entier dans le souvenir d’une femme non pas par le jeu du hasard mais par ce qui avait été convenu dès la première minute bien que l’on a trop souvent tendance à croire que cela ne nous concerne pas, que cette règle s’applique à d’autre que soi et qu’on sera celle qui, comme par un enchantement à peine concevable, réussira à le ramener là d’où il n’aurait jamais du s’échapper ; ce harem dont le seul locataire serait cet homme, là, en particulier. Un harem plein d’un homme absolument vide qui retient encore le souvenir d’un corps et de tout ce qu’il a pu lui suggérer. Mais là aussi, tout ce qu’il arrive à faire c’est se souvenir de lui-même, à travers ce visage, la froideur du sourire, de son sourire.

Pourtant si loin de tout ce qui lui était familier, malgré la couche partagée tant de fois, il ne parvient à se rappeler que de son visage à lui dans le miroir et son corps à elle dans un arrière plan, forcément flou. Et plus il tente de se rappeler ce corps, plus il se persuade qu’il n’a jamais existé, que ce n’est que sans lui que ce corps peut prendre forme. Et finalement, il rouvre les yeux comme un chat s’étirerait, il laisse le souvenir lui échapper, au plus loin de lui-même et sans autre forme de procès, c’est fini.

Dans l’oubli de mon corps de Jules Supervielle

Dans l’oubli de mon corps de Jules Supervielle

Cela pourrait tout aussi bien être le souvenir d’un corps d’une femme, ou d’une autre. Cela pourrait être l’oubli de ce qui a été, le rappel de ce qui n’aura plus lieu. Au choix. Tout entier dans le souvenir d’une femme non pas par le jeu du hasard mais par ce qui avait été convenu dès la première minute bien que l’on a trop souvent tendance à croire que cela ne nous concerne pas, que cette règle s’applique à d’autre que soi et qu’on sera celle qui, comme par un enchantement à peine concevable, réussira à le ramener là d’où il n’aurait jamais du s’échapper ; ce harem dont le seul locataire serait cet homme, là, en particulier. Un harem plein d’un homme absolument vide qui retient encore le souvenir d’un corps et de tout ce qu’il a pu lui suggérer. Mais là aussi, tout ce qu’il arrive à faire c’est se souvenir de lui-même, à travers ce visage, la froideur du sourire, de son sourire.

Pourtant si loin de tout ce qui lui était familier, malgré la couche partagée tant de fois, il ne parvient à se rappeler que de son visage à lui dans le miroir et son corps à elle dans un arrière plan, forcément flou. Et plus il tente de se rappeler ce corps, plus il se persuade qu’il n’a jamais existé, que ce n’est que sans lui que ce corps peut prendre forme. Et finalement, il rouvre les yeux comme un chat s’étirerait, il laisse le souvenir lui échapper, au plus loin de lui-même et sans autre forme de procès, c’est fini.