lundi, juin 11, 2007

Cent ans à avoir envie

Prostré et reclus,
Il ne reste qu’un infime rêveur,
Un infirme menteur
Car tu n’iras pas à ce rendez vous là.

Trop à faire, pas le temps ou pas encore envie.

Prostré et déjà déçu,
Tu t’ignores une fois de plus.
Un infime mensonge
Un de ceux que l’on n’entend plus.

Rien à faire, trop de temps à tuer l’envie.

Prostré et fourbu,
Tu pars à la fonderie des mots.
Avide de stratagèmes
Mais pas de ceux qui pourraient être une solution.

Ne pas s’en faire, il te reste cent ans à avoir envie.

Prostré et presque pendu,
Il ne te reste que la corde entre les dents,
Comme un reliquat de ce qui ne sera plus,
Un aveu d’érection qui ne vient plus.

Cent ans à avoir envie.

Un jour

Un jour,
un jour comme aujourd'hui,
on croit que ça y est.
La fin du cauchemar que l'on s'est imposé,
celui que l'on n'a pas choisi,
contre lequel on est bien démuni,
contre lequel aucun vieux loup,
ne pourra jamais lutter .

Mais il faut bien que tôt ou tard,
je me rende à l'évidence,
comme dans un station de gare
d'une ville un peu lointaine
mais pas assez pour prétexter
que je ne connais pas le chemin qui y va.

Un jour comme aujourd'hui,
je n'ai personne au bout du fil,
personne dans les rues de ma petite ville,
que je puisse saluer en toute quiétude,
avec l'espoir secret que ce regard
en dise plus qu'il ne veut bien l'avouer.

Alors, bienvenue à l'évidence,
je me plie à ta cadence,
j'accepte ton obligeance,
je casse, je pleurs, je dors
et j'attends la nuit qui est déjà là.

Variations sur un mensonge

Ce mensonge est pour une autre
réservé à d’autres pleurs que les tiens.
Désolé,
une nouvelle fois de te décevoir,
mais non, ce toujours là,
n’est pas pour toi.
Tu as beau pleurer, supplier,
jamais plus je ne te tromperai.

Aujourd’hui ce mensonge j’y crois,
il ne peut pas en être autrement,
alors,
vois tu, ce serait déraison
que de te narrer une histoire vraie,
un sillon mille fois labouré,
un vinyle digne des plus grands fabulateurs.

Laisse,
grâce à ce nouveau mensonge,
je respire enfin, je reviens
au centre de mon ancienne vie,
tes yeux reprennent leurs couleurs,
le coucher de soleil reprend sa place
juste au dessus de nos têtes.

Alors,
permets moi une chose,
laisse moi te mentir,
laisse moi te pourrir
laisse moi te laisser vivre.

Tu vois ?
Le ciel est bleu.
Les oiseux traversent le ciel
et je mens.
Tel est l’ordre des choses,
désormais.

Tu entends ?
Les sirènes des villes,
le cours du fleuve
et je mens, ici aussi.

Parce qu’un seul mot ne suffit pas,
Si je ne mens pas, je n’existe pas.

A l'aube du monde

A l’aube du monde, le désir d’exister
Pour arriver, quoiqu’il puisse se passer,
en fin de journée,
Avec ce sentiment de ne plus en être capable.
Exister.

J’aimerais retrouver ce souvenir,
Ce prénom qui signifiait TOUT.
Cette aventure qui n’avait pas de sens
Si ce n’est dans l’envers du décor.

A l’aube du monde, ne pas se demander si l’on croit
Ou si l’on croit que l’on croit,
Accepter ce qui arrive, même le pire
Avec pourtant le sentiment de ne plus en être vraiment capable.

Mais non,
Ne sois pas renié, sois mon frère,
Moi qui n’ai pas de frère,
Ne sois pas oublié, toi qui n’a pas été,
Par quelqu’un qui ne peut pas être.

A l’aube du monde, ne pas choisir le pire
Mais plutôt s’abandonner à un soupçon,
Ne pas se traiter de Triste Sire,
Mais plutôt refuser l’abdication.

J’aimerais retrouver ce souvenir,
Ces lèvres qui n’ont jamais osé dire OUI.
Cette aventure qui défiait l’absence,
Du sentiment, de la vie et de la mort.

Alors non,
Ne sois pas renié, sois mon frère,
Moi qui n’ai pas de frère,
Ne sois pas oublié, toi qui n’a pas été,
Par quelqu’un qui n’a pas su être.


à mon pote Eric

samedi, juin 02, 2007

Paul est un fantôme : je suis un fantôme -1-

On parle bien trop souvent à mon goût de se rendre aux évidences comme s'il s'agissait là de la chose la plus simple au monde. Tu comprendras que je ne peux pas être d'accord. Je ne pourrais jamais l'être et je me demande d'ailleurs comment on fait semblant de se plier à cette non évidence.

Que ce soit la mort, l'absence ou bien la séparation, je n'accepte rien. Même aujourd'hui, du plus profond de ce linceul blanc, je refuse de reconnaître ce qu'ont été mes torts. Les yeux vides, déjà, le choix d'un désir banni. Tout cela et le reste passera à l'histoire comme si de rien n'était; et pourtant, c'est de moi qu'il s'agit ! Mon visage s'estompe déjà pour la plupart d'entre vous, quand bien même votre vie a été la mienne. Qu'y puis je ? Rien. Et c'est tant mieux. L'oubli est mon nouveau visage, l'absence ma nouvelle carte de visite. Le désir de durer m'est devenu étranger. . .

Mais que suis je donc devenu ? Le contraire d'une défaite.

Une seule pensée me revient à la mémoire aujourd'hui. Si tu l'avais vraiment désiré, je ne serais pas là, pas ici, pas dans ce nulle part approximatif. Et pourtant ...

Paul est un fantôme, je suis un fantôme. Commencer à parler de cet état des choses n'est pas chose courante. Je me regarde dans un miroir. Je vois un fantôme. Pourtant, suis-je évanescent ? Non. Suis-je recouvert d'un drap blanc ? Non. Est ce que je ressens du plaisir à effrayer les gens ? Non. Suis-je chargé de hanter un lieu lugubre ou une personne trop coupable ? Pas davantage. Pourtant à la question suis-je un fantôme, je réponds oui.

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Ici et maintenant. II faut bien commencer quelque part. Je ne trouve pas de phrases percutantes. Alors je commence comme ça, au hasard. J'essaye de revendiquer un état d'être qui m'est inconnu. Je n'imagine pas ce que peut bien être un fantôme. Je n'imagine rien. Je le suis.

Je marche aujourd'hui dans les rues paisibles d'une petite ville du sud de l'Angleterre. Je ne pense à rien. Je marche, je ne cherche rien et pourtant je trouve car telle est ma vie désormais. Trouver et non plus savoir. Il y a les enfants, une très jeune blondinette sur le pas de sa porte qui croit me voir mais cela doit faire partie d'un jeu qu'elle a inventé car on ne peut plus me voir, personne ne peut me voir, même pas toi. Il y a les chats, eux aussi occupés à des jeux de chasse dans une Bengale atavique que nulle d'autre que moi, et eux, ne pouvons voir. Il y a les autres, des jeunes accrochés à leur portable et qui rient beaucoup trop fort, comme au théâtre, des personnes âgées dans des fauteuils roulant électrique qui déboulent sans aviser, etc ...

Un jour, je suppose que je marcherai dans ces mêmes rues, par une fin d'après midi d'ensoleillée, contrairement à celle ci, je croiserai des enfants, des chats et des vieux et puis je tomberai sur toi.

Car Paul est un fantôme, je suis un fantôme.


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Ce soir, je voudrais ne pas avoir de regrets, ne pas avoir envie de revenir en arrière, de reprendre ma place à cette table où le repas n'est pas encore fini ou du moins pas encore. Je ne voudrais pas être celui qui est tenu de s'accommoder de l'oubli, celui à qui on a raconté des histoires sans queue ni tête alors qu'il était enfant et qui doit maintenant, une fois l'âge adulte venu, les vivre jusqu'au bout. Ne pas être cet acteur qui chercherait du sens là où il n'y en a pas, perdant chaque jour un peu plus sa substance. En tous cas, ne pas revenir en arrière, ni moi ni un autre, ni avec toi ni sans toi ; et pourtant, j'en rêve le jour, les yeux grands ouverts, assis à un arrêt de bus, sans rien d'autre à faire que de garder les yeux baissés et de me mordre les lèvres pour ne pas laisser s'échapper mes larmes de brume.

Rien n'a été aussi simple que ça. Au lieu de me rendre, j'ai préféré nier, les apparences, les évidences et, bien sûr, les conséquences de tout ce qui était en train de m'arriver. J'ai nié notre union, notre contrat, notre infidélité, notre dépit et nos longues absences. J'ai même refusé, dans un premier temps, de fuir, ne serait ce que parce que cela arrangeait bien trop de monde et que je ne me voyais pas leur faire ce cadeau là ... Un choix délibéré, un choix qui m'a libéré, non pas du poids cette fois ci, mais de la légèreté. A vrai dire et pour ne pas te mentir pour rien, j'avoue aujourd'hui aux passants de ce délicieux bus anglais, dans ma langue affreusement sibylline, que ce dont j'aurais eu besoin, plus que de connaissances inébranlables ou de passions inavouables, c'est d'un usage permanent du livre du Yi King, l'art divinatoire indirect, la volonté des cieux par la bande, un écho curieux de la station de radio qu'écoutent parfois les dieux de l'Olympe et d'ailleurs. Je le sais, ce que j'aurais aimé être avec toi, parfois, c'est ça : un "non" qui sourit un "oui", ce même "oui" qui grimace un "peut être", un autre "peut être" qui rêve de se transformer en "je sais". Tout, sans aucun doute, mais pas mon silence néphrétique. Tout, comme par exemple une réponse qui répond à une autre réponse (qui n'en demandait pas tant), etc ...

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Un jour, j'y suis arrivé. Certains convives étaient en retard, je crois, les plats étaient pour la plupart déjà froids, nous nous demandions ingénument ce que nous faisions là. Il n'y avait en fait que ta main posée sur la mienne pour donner un sens à toute cette mascarade. Un jour où l'envie s'était nourrie au sein de mon absence, un jour où mon visage s'était abreuvé d'incohérences, un jour où je n'avais sans doute pas frappé à la porte avant de rentrer, sans savoir non plus qui allait venir m'ouvrir et me retrouver sur le pas de la porte, sous la véranda, la réconciliation ou l'abnégation ou bien l'envie d'en découdre, de tout refaire à l'envers, de retapisser ma mémoire de photos venues du futur.

Ce jour là, si tu préfères, j'ai eu l'occasion de ne pas te mentir, tu sais aussi bien que moi ce qui s'est passé ...

A toutes ces évidences, j'ai préféré répondre à nouveau : "sans défense".
Et à l'envie qui grondait en silence, j'ai définitivement répondu "oui".

Et là dessus, je suis mort.


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Musique à usage personnel : Jean Louis Murat « Et le désert avance »

Musique à usage personnel : Jean Louis Murat « Et le désert avance »

La musique est cette seconde de silence qui nous échappe encore.


Si le désert avance, cher Jean Louis, que reste t'il derrière, que reste t'il après la soif ? Sans doute un élancement diffus, aussi raffiné que vain si tu vois ce que je veux dire.
Je veux bien prendre le temps de le savoir, de me pencher sur ce que tu sous entend mais je ne peux pas m’empêcher d’imaginer qu’il y a autre chose. Si le désert avance, un homme seul peut s’y arrêter.

Si le silence a un sens, c’est bien celui qui m’échappe aujourd’hui et demain. C’est le constat d’un léger irrémédiable, quelque chose qui passe à peine pour une erreur si l’on ne s’y arrête pas. Même ici, dans ce désert qui avance sans nous demander notre avis. Question de rythme, de pas synchronisé sur ce sentiment qui avance dans une direction qui en vaut bien une autre.

Si le désert suspend son avance, si un violon peut bien voir son vol enseveli, je veux bien tenter ma chance moi aussi. Pour une fois, ne pas rester insensible à toute cette beauté.

Marcher au pas, marcher l’air las, pourquoi pas ? , marcher bien sagement et voir ce qui va m’arriver, l’accepter comme une véritable bénédiction. L’instant divin soudain offert à un parfait crétin.

Si le désert avance, je ne veux pas être le seul à le voir.

Des mots scarabées

Des mots scarabées de papier, échappant à tout contrôle, allant jusqu'à défier ma sainte patience, je les maudit des deux mains.

Des mots apprentis violeurs de notre société, je les regarde faire et je ne dis absolument rien; d'où l'inconvénient de se réveiller à trois heures du matin et de ne rien avoir à faire d'autre si ce n'est écrire.

Mon corps se tord une fois de plus à la recherche d'un signe d'assentiment émis par l'état de veille, je connais cette douleur comme la couleur de la pierre de la façade de la maison où je suis né. Inutile de feinter. Je suis las.

Qui ne s'est pas fourvoyé une fois dans sa vie à l'heure de fermer les yeux et de gagner un paisible sommeil ? Qui n'a pas dit "non" une fois aux mots scarabées, traîtres et providers d'informations erronées ? Ce n'est sans doute pas moi qui vous jetterais le premier mot, quitte à faire mal, autant utiliser le mot qui convient ... Je cherche, je ne vais pas tarder à le trouver; ailleurs que dans le sommeil, ailleurs que dans la paix que je me vois offert et que je ne sais pas refuser.

Trouver un mot, des mots qui ne servent à rien, un désert où l'on ne meurt pas de soif, où le mirage a un sens évident pour qui sait l'apprécier. En tous cas, ce mot là on ne peut pas dire que j'en voulais vraiment, un mot qui blesse gratuitement aux entournures de la cornée, je m'en serais bien passé mais j'ai fait comme d'habitude, je l'ai vite recopié sur un papier avant de l'oublier, j'ai chiffonné le papier et je l'ai laissé tomber dans la rue afin que quelqu'un d'autre le lise et en fasse ce que bon lui semble.