jeudi, avril 26, 2012

Des bruits de pas

J'entends de drôles de bruits qui viennent de l'extérieur.
Des bruits de pas qui se croisent sur le parquet du couloir.
J'aimerais jeter un œil et savoir ce qui se passe mais je ne sors pas,
je sais pertinemment que je ne sortirai pas,
pas cette fois ci, ni une autre fois d'ailleurs.
Ce qui me concerne se passe à l'intérieur.

Les pas résonnent dans ma tête
dessinant un chemin à suivre
contournant aisément le chagrin
un autre jour, je saurai de quoi il s'agit
mais pour l'instant,
chut,
on frappe à la porte.

Ce n'est rien
ou à peu près rien.
C'est juste moi,
moi, qui revient à moi.

D'aussi près

D’aussi loin qu’un visage cherche à se cacher,
il y a toujours un point de rupture
qui nous ramène au centre d’une pièce où tout reste à accomplir.

Et on a beau se cacher, se prémunir d’un risque à venir,
il y a toujours un visage, derrière un visage
que l’on cherche à posséder, ne serait ce que pour soi.

Ou pour que tout le monde sache et découvre enfin
qui on est,
ce à quoi on tient,
ce pourquoi on s’est battu.
Ce visage aux milles refus.

D'aussi près, le détail se substitue au paysage.
L'acte qui était le nôtre hier
peut être nié aujourd'hui.
Mais il y a toujours un visage
auquel on aimerait échapper.

Le père qui ne parlera plus.
La femme que l'on a enterré vivante.

D’aussi loin qu’un visage cherche à se cacher,
il y a toujours un point de rupture qui nous ramène
au centre d’une pièce où tout reste à accomplir,
la vie dans toutes ses largeurs.

Bien sûr

Bien sûr, c’était presque trop facile.

Ouvrir la porte, jeter un dernier regard derrière soi, oublier soigneusement les clefs sur le meuble de l’entrée et partir.

Il en rêvait.

 A de nombreuses reprises, il s’était imaginé vivant cette scène, toujours de la même façon. A force de revivre la même chose il était presque capable aujourd’hui de mettre un mot sur le sentiment qui l’envahirait une fois la porte refermée.

Presque. Parce que nous n’en sommes pas là.

 Pour aujourd’hui, le bonheur est encore de mise. La belle nappe des grands jours recouvre la table et ses petites misères. Les invités ne vont pas tarder et Stéphanie est plus belle que jamais.

On échange des anecdotes, des souvenirs fugaces tout en s’affairant autour du plat principal qui devrait ravir tous nos convives. On se croirait presque dans un autre temps et un autre lieu. Une drôle d’accalmie à l’intérieur de ce qui ressemble de plus en plus à une séparation.

Il ouvre des bouteilles de vin, trois ou quatre feront l’affaire, rien de trop onéreux, quelques crus visités lors d’un voyage, il y a combien de temps déjà ? Trois ans ? La Bourgogne avant tout, peut être la Bourgogne comme dernier instant de bonheur pur et simple. Drôle de coïncidence que de boire ce qui restera leur meilleur souvenir de couple et pourtant il en est ainsi, on pourrait croire qu’il le fait exprès mais ce n’est pas le cas. Le bonheur se doit d’être bu jusqu’à la lie.

La table est mise. Les hors d’œuvre feront sensation comme toujours. On parlera voyages et voitures, déformation professionnelle assez prévisible. Il y aura bien quelqu’un pour parler enfants et ce sera le moment de retourner dans la cuisine pour prendre une autre bouteille. N’importe quel prétexte fera l’affaire.


Mais voilà. Il pense à partir. Rien ne le retient. Ni l’amour, ni la raison. Il pourrait prétexter un achat de dernière minute. Du citron pour les huîtres ? Là aussi, n’importe quoi fera l’affaire mais tout, tout mais ne pas rester. Même si cela passera sans doute pour de la lâcheté, il doit le faire. Ce soir, pas un autre soir que ce soir …

Elle se mord les lèvres. Elle se triture les doigts. Tellement de choses à exprimer que son corps ne répond plus que par soubresauts mal contrôlés.

La musique est un mal nécessaire pour savoir aimer.

La musique est un mal nécessaire pour savoir aimer.


 Il n’est pas nécessaire d’avoir été élevé dans certains mots pour comprendre d’autres mots.

J’en prends pour exemple, la phrase « je t’aime ».

Doit-on forcément avoir été élevé dans l’amour pour y comprendre quelque chose ?

Lorsque le silence a trop souvent été l’obligation même, le réflexe salvateur. Lorsque le silence a trop souvent dicté sa loi … Pas facile de s’affirmer ou ne serait ce que de reconnaître le son de cette voix (notre voix) qui marque son amour (notre amour).

Alors il y a eu les chansons d’amour comme prétexte et comme signes extérieurs d’un sentiment délicatement emmuré vivant.

Aimer l’oubli de soi même pour commencer. C’est le feu qui clame son amour à Jeanne d’Arc chez Leonard Cohen, c’est l’amour qui résonne du fond du justement nommé Rock Bottom. Dans un langage nouveau, à travers des syllabes qui ne s’appréhendent pas tout à fait. Le sentiment jaillit et c’est la seule chose qui importe.

Sous un ciel cyrillique. Dans une langue étrangère. Sous l’emprunt d’une mélodie de travers. Je t’aime, mal, pas assez, trop, parfois mais encore aujourd’hui un peu comme la pierre qui flanche à la première occasion.

Sous un ciel dur et emprunté, il existe toujours la possibilité de s’en remettre à d’autres. Comme à Delphes, on se pose la question et un chanteur y répond.

A l'abandon (texte chanson)

Tout est à l'abandon ...
Si la tempête a raison de moi,
aurais je raison de t'emmener avec moi ?

La ligne courbe est effacée,
le port majestueux n'est plus
et laisse place à la verticale.

Elle est venue, elle m'a pris. Elle m'a appris. Le reste est oublié.

Demain ma vie sera tienne.

 Le souffle du vent n'a pas plus de prise sur ma silhouette furtive
que ton sourire n'en a.
J'avance et je glisse pleinement ombrageux.

Elle est venue, elle m'a souri, elle m'a détruit. Le reste est oublié.

Demain ma vie sera entière.
Alors, je casse encore du verre,
je remettrai ça à demain, est ce que cela te va comme vie ?

Elle est venue, elle a tout dit, elle a pâli, le reste est oublié. Demain ma vie sera tienne.

lundi, avril 16, 2012

Pomme fendue

Car l'épiderme a son propre affect
et l'affection son propre épiderme.

Pas de précipitation,
pas de quiproquo,
ce n'est pas d'une peau désirable dont il s'agit ici,
il n'y a pas non plus de lisse récompense en vue.

Le désir en ressort tout tacheté,
de verts débris de pomme, toute craquelée,
le fruit ne s'est pas défendu.
L'homme a consommé,
la femme a été violée.

Car l'épiderme a son propre intellect
et l'air de la vengeance comme un son de victoire.

Pas de retour en arrière,
pas de silence à repriser,
ce n'est pas une peau qui se lit comme un vieux mappemonde
il n'y a pas non plus de salut victorieux à la fin du combat.

Le désir en ressort blessé,
le noyau, le ventre à l'air, tout fripé,
le fruit ne s'est pas défendu.
L'homme s'est singularisé,
la femme a été oubliée.

Je ne sais pas

Je ne sais pas ce que je pourrais faire
si cette lettre tombait dans d'autres mains,
sous d'autres yeux que ceux qui me veulent du bien.

A côté de ces lignes,
je ne peux que deviner l'impact,
les mots qui foulent la terre consacrée
comme des petits animaux retrouvant la liberté
après des années d'incompréhension forcée.

Il n'y a rien que je puisse pardonner
à celui qui lira ces lignes.
Il n'y a rien que je puisse ajouter
si ce n'est le désir de ne pas m'être trompé
de code brouillant les signes.

Peut être allez vous rire ou vous ennuyer,
peut être allez vous défier la rime,
casser le fil de ma pensée,
briser les lignes qui définissent mon visage.

Des champs de blé aux verts pâturages,
ce que vous voyez n'a pas de sens,
tout tourne autour d'un seul prénom,
déchu et pourtant ponctué
à chaque fin de phrase.

Je ne sais pas ce que je pourrais faire
alors passons à autre chose
si vous le voulez bien.

J'ai bien connu cet homme

J'ai bien connu cet homme qui crie aujourd'hui au milieu de la foule.

Autrefois, il n'aurait jamais haussé le ton.
Jadis, il aurait attendu et investi le silence,
ses cartes,
il les aurait gardé le plus longtemps possible en main.
Décisif, il savait l'être plus que quiconque.

Mais aujourd'hui, il semble se précipiter,
il n'a pas le temps de former les mots qui lui brûlent les lèvres,
il gesticule comme un dément et crache à la figure des passants.

Demain, on le conduira à l'asile
à travers une habile procession qui passera devant ma porte.
Et je ne manquerai pas de me dire
que c'est lui qui devrait me voir passer par la fenêtre.

Et j'ai su

Et j'ai su avant même que la porte ne s'ouvre.
Et j'ai su bien avant que tu ne t'en ailles
que c'était ma chance,
sur un plateau,
un collier en or qui fond aussi subitement
qu'un soupir de soulagement lorsque l'amour s'achève.

J'ai su garder mes distances,
ne pas compromettre mes chances
de t'oublier bien avant que tu ne sortes de la pièce
bien avant que tu ne trouves ta place auprès d'une autre.

J'ai su regarder le soleil en face
sans perdre la vue, sans perdre la disgrâce.

Un écho qui se tait.
Dans ce monde qui m'a ignoré
jusqu'à ce que tu ne me quittes.
Ce monde qui m'a étouffé
lorsque je me suis retrouvée sans joie.
Un monde où il n'y a rien d'autre à comprendre
que mon malheur est égal à mon bonheur.

Dérangé

C'est drôle de voir mes derniers secrets s'envoler
si seulement j'y avais cru plus tôt
je ne serai pas là en train de m'évider,
de saigner pour l’équarrisseur qui me chérit tant.

Le ciel est si fin que si je levais le bras d'un mouvement ferme,
je déchirerais irrémédiablement la partition divine
et la sphère de leurs vies s'en trouverait chamboulée.
La pourriture est née dans ma bouche fermée.

Ramène moi auprès de ma vie,
au chaud, au sec, loin de tout ce en quoi je crois aujourd'hui.
Prends moi dans tes bras
pas un mot, pas de fracas,
je ne suis plus cette femme qui cause tant d'embarras.

La pluie est rentrée dans la pièce
alors que je m'apprêtais à en sortir,
vainqueur, taquiné par les dieux
je ne peux qu'acquiescer et embrasser la lame que l'on me tend.

On ne refuse rien à un ange,
tu devrais le savoir depuis le temps.
Un ange te prend ce qu'il t'a appris
une fois que toi aussi tu sais recoudre tes ailes de lumière.

Car la chute n'est qu'amour,
un poing de braise qui se tend vers toi,
accepte ton sort et bon débarras
au dessus de ta tête on a dessiné le dernier titulum de l'humanité.

Avant qu'il ne soit trop tard,
Ramène moi auprès de lui,
au chaud, au sec, loin de tout ce en quoi je crois aujourd'hui.
Prends moi dans tes bras
pas un mot, pas de fracas,
je ne suis plus cette femme qui s'appelait Ramona.




D'après une chanson de David Bowie.

dimanche, avril 08, 2012

Plus de villes à prendre

Plus de villes à prendre

J'ai beau m'efforcer,
esquiver, longer ou détourner
tout m'a ramené à la force du silence.

Mais je dois tenir bon encore quelques jours encore.
Ne pas l'ouvrir, ou bien alors,
Happer les mots avant qu'ils ne sortent dehors.

J'ai beau en rêver,
soupirer à en suer sous une cloche en apnée,
tout me ramène à cette longue minute de silence.

Il n'est pas mort pour autant.
Même le simulacre ne l'a pas atteint.
La ville se love sur elle même,
encore quelques instants et c'est fini.

On n'écrit plus

Aujourd'hui on n'écrit plus tellement de poèmes d'amour.
On a peur de se tromper de mots
on a peur de se dévoiler
ou d'être ridicule
et de heurts en hésitations
on passe à côté de l'amour.

Car c'est si beau l'amour
et si simple, comme un bonjour
sauf les jours où on ne se dit pas bonjour,
me diras tu.

Le train qui déraille

Contrairement à ce qui a été dit dans un premier temps,
ce n'est pas moi qui ait déraillé,
c'est le train qui l'a fait à ma place.
J'étais pourtant prêt à le faire et c'est arrivé,
inexplicablement.

Cela faisait dix jours que j'attendais,
dix jours que je m'étais préparé à m'effacer,
définitivement,
aux yeux de ceux qui ne savent pas me regarder.

Le train a surgi,
j'ai esquissé un geste,
prêt à rentrer dans la danse qui n'a qu'un seul pas.

Mais le train a déraillé
emportant avec lui tous ceux qui n'avaient pas de raison
de lâcher l'affaire.
Tous ceux qui baissent la tête en rentrant chez eux.

L'accident était délibéré,
n'en doutons pas.
J'étais prêt à le faire et c'est arrivé,
on a choisi à mon corps défendant de me garder.

Qui vais je remercier maintenant ?

Le jeu de hasard

Le jeu de hasard

Ce n'était pas ton choix,
pas spécialement le mien non plus,
tu as loupé ton bus,
ce jour là j'ai pris le taxi,
devant le cinéma,
il y avait une plaque de verglas,
j'ai glissé,
tu m'as accueilli dans tes bras.


Ce n'était pas ton choix,
pas spécialement le mien non plus,
Il n'y avait pas de journaux
au kiosque en face de chez moi,
l'amie avec qui tu avais rendez vous
t'as posé un lapin auquel tu ne t'attendais pas
ce jour là j'ai trébuché sur le trottoir,
tu m'as accueilli dans tes bras.

Il a bon dos le hasard
d'être ainsi rendu responsable
du meilleur qui me soit arrivé dans ma vie.
Il a bon dos le hasard
d'être ainsi rendu responsable
de toutes ces choses dont je n'avais jamais rêvé.

Ce n'était pas ton choix,
pas spécialement le mien non plus,
tu as esquissé un sourire,
moi un geste d'excuse,
le hasard m'a soufflé de me taire
et de te laisser faire.

Il n'y a pas de place

Il n'y a pas de place pour les regrets,
ce mari, ces enfants que tu as mérité.

Vaison La Romaine, juillet 2003.

Jusqu'ici,
ta vie avait été extraordinaire,
lumineuse et solaire, tu ne savais qu'éblouir.

Jusqu'à moi,
tu parlais aux arbres aussi bien qu'aux hommes
et tous te répondaient.

Au doigt et à l’œil.

Une armée vigoureuse faite de plaisirs
qui te suivait partout, où que tu ailles.
Touts ces choses que j'ai aspiré en moi,
que j'ai balayé d'un revers de main.

Car l'amour que je te porte
n'est qu'un pâle écho,
ricochet glissant le long des parois
d'un homme qui n'aime que soi.

Lorsque l'écho s'est atténué,
ton cœur avait déjà pourri,
des feuilles au tronc,
des branches aux racines.
Tout s'est tu autour de toi,
les gens ne savaient plus t'écouter
jusqu'à ce que toi aussi,
un jour, ne soit obligée de te taire à ton tour.

En ce jour,
plus d'aigreur que de profondeur,
un prénom qui rime avec non
le tout accompagné
de mon refus, prompt et définitif.

Je ne souhaite à personne de m'aimer
même si je ne fais que ça.