jeudi, avril 26, 2012

Bien sûr

Bien sûr, c’était presque trop facile.

Ouvrir la porte, jeter un dernier regard derrière soi, oublier soigneusement les clefs sur le meuble de l’entrée et partir.

Il en rêvait.

 A de nombreuses reprises, il s’était imaginé vivant cette scène, toujours de la même façon. A force de revivre la même chose il était presque capable aujourd’hui de mettre un mot sur le sentiment qui l’envahirait une fois la porte refermée.

Presque. Parce que nous n’en sommes pas là.

 Pour aujourd’hui, le bonheur est encore de mise. La belle nappe des grands jours recouvre la table et ses petites misères. Les invités ne vont pas tarder et Stéphanie est plus belle que jamais.

On échange des anecdotes, des souvenirs fugaces tout en s’affairant autour du plat principal qui devrait ravir tous nos convives. On se croirait presque dans un autre temps et un autre lieu. Une drôle d’accalmie à l’intérieur de ce qui ressemble de plus en plus à une séparation.

Il ouvre des bouteilles de vin, trois ou quatre feront l’affaire, rien de trop onéreux, quelques crus visités lors d’un voyage, il y a combien de temps déjà ? Trois ans ? La Bourgogne avant tout, peut être la Bourgogne comme dernier instant de bonheur pur et simple. Drôle de coïncidence que de boire ce qui restera leur meilleur souvenir de couple et pourtant il en est ainsi, on pourrait croire qu’il le fait exprès mais ce n’est pas le cas. Le bonheur se doit d’être bu jusqu’à la lie.

La table est mise. Les hors d’œuvre feront sensation comme toujours. On parlera voyages et voitures, déformation professionnelle assez prévisible. Il y aura bien quelqu’un pour parler enfants et ce sera le moment de retourner dans la cuisine pour prendre une autre bouteille. N’importe quel prétexte fera l’affaire.


Mais voilà. Il pense à partir. Rien ne le retient. Ni l’amour, ni la raison. Il pourrait prétexter un achat de dernière minute. Du citron pour les huîtres ? Là aussi, n’importe quoi fera l’affaire mais tout, tout mais ne pas rester. Même si cela passera sans doute pour de la lâcheté, il doit le faire. Ce soir, pas un autre soir que ce soir …

Elle se mord les lèvres. Elle se triture les doigts. Tellement de choses à exprimer que son corps ne répond plus que par soubresauts mal contrôlés.