dimanche, juillet 17, 2011

Et pourtant (16 juillet 2011)

Et pourtant, je ne voulais pas de marionnettes.
Pas d’actes prémédités
conduisant à une mairie,
Un jour de juillet pluvieux
ou n’importe quel jour de ma vie à venir.

Je croyais être un bloc,
Un ciment à l’épreuve de l’émotion la plus pure.
Un monstre d'égoisme
Mais certainement pas un être aussi humain, au final.

Ce n’est pas Aurore qui m’a vaincu.
C’est l’amour dans ses yeux.
Sa malice et ses trucs de jeune sorcière.
Et un jour, le Roi a abdiqué.

Et pourtant, la défaite s’est vite transformée,
En lendemain de victoire,
En rêve de famille ressuscitée.

Et aujourd’hui, je pense que j’ai eu raison de me marier.

jeudi, juillet 14, 2011

Un tunnel

Un tunnel apparemment obscur et profond.
Elle s’avance quand même dans ce qu’elle suppose être une ligne droite
Qui pourtant prend parfois l’apparence d’une courbe divergente.
Pas un bruit, pas un écho. Pas une voix pour lui rappeler qui elle était.

Le son est loin derrière elle.

A certains endroits, elle devine que les parois du tunnel se rapprochent d’elle comme pour l’étouffer. A d’autres endroits, elle ne saurait plus dire si elle est encore dans le tunnel ou à l’air libre. Ou bien encore, si en fait elle n’a pas passé toute sa vie errant dans cette rue sans vie.
Peu à peu l’obscurité régnante devient synonyme de liberté.

Les ouvriers de l’usine à chansons ont bien travaillé. Il est grand temps de diffuser ce disque de grand bruit blanc, de sons anciens parfaitement contrôlés. Pas une rature sur la partition. Pas une seule anicroche dans la voix.

Voici venir le temps de l’émotion à rebours.

Lisse

Lisse. Stupéfait par ce qui lui arrive.
Si élastique. Presque soupçonneux.
La peur peut être.
Cette chair. Qui ne se refuse pas.

Il pense trop, réfléchit en pure perte. Les poumons encrassés, il se retient pourtant de tousser. Peur de troubler un instant lisse et élastique. Il ravale donc sa salive et déglutit lentement. Pas de quoi faire le fier. Pour un peu il serait même ému par ce qu’il contemple. Doucement, sans se presser, pas à pas, avec d’infinies précautions qui n’en finissent pas, il se rapproche et sans s’en rendre vraiment compte, il franchit le seuil de l’interdit.

D’où lui vient ce désir ? Est-ce que quelqu’un le sait ? Qu’il parle avant qu’il ne soit trop tard.

Mais il est déjà trop tard.

La dernière chose qu’elle entend ce sont ses chaussures à lui qui frappent durement le sol alors qu’il s’allonge tout contre elle.

« Nous sommes embarqués ». C’est si bien dit qu’il y croirait presque.

Le repos d’un païen

Il faut d’abord bien s’imprégner d’une vérité fondamentale.
Rien n’est prédisposé à perdurer.

Tout a changé.

D’un jour à l’autre, il ne reste presque plus rien.
Même la pluie ralentit lorsque nous nous mettons à courir.
A la recherche de quelques signes de vie
mais c’est la chaleur qui préfère s’endormir
le long d’une file de voitures abandonnées
qui nous reçoit.

Rien n’a changé.

Le dimanche d’un païen,
un monde où tout a changé.
Car en vérité, c’est bien là le début
de quelque chose qui ne durera pas,
auquel nous assistons.

Tout a changé.

Le dimanche d’un païen,
monde où rien n’a changé.
Car tout a changé.
Un monde où l’affirmation vacille
avant de devenir négation.

Rien n’a changé.

C’est la peur
de ce qui est advenu,
du lac de feu qui nous rattrape.
Tout ce que nous sommes
s’élevant à travers les nuages.

Tout a changé.

Et dans la peur, l’amour.
Et dans l’amour, la fuite.
La fuite dans la peur.

Rien n’a changé.

D'après une chanson de David Bowie

Elle

ELLE

Elle est entière, terrible et fragile. C’est la nuit. Dans sa bouche, depuis si longtemps le compte à rebours, lent et implacable, qui conduit au plaisir.
Au réveil, elle est presque surprise, qu’en fin de compte, le cauchemar ne soit pas réel.
Elle a pourtant mal, vraiment mal mais elle est vivante.
C’est ainsi que cela devait être.
Elle est là. Il n’y est pour rien. Quel idiot. Elle aurait été là de toute façon. Sa présence à lui, encore endormi, n’est qu’un accessoire de la vie qu’elle a emprunté.

Elle est morcelée, banale et forte. C’est le jour. Dans sa bouche surgit le compte à rebours, rapide et frivole, des premiers mots qui conduisent à l’ennui. Elle n’a jamais voulu de tout ça. Elle aurait aimé dépendre de lui, quitte à se suspendre à un piédestal. Elle aurait aimé dire « sans toi, je n’existerais pas ». Sa vie aurait été bénie par l’urgence d’exulter.

Tout et son contraire.

Elle imagine

J’imagine parfois très bien l’homme dont j’ai été amoureux, là, au téléphone. Le dos appuyé au mur. L’air absent, comme souvent. Les yeux comme une mer depuis longtemps asséchée. Une conversation au téléphone, pleine de silences divers. Entre autres, un silence blanc que l’on voudrait oblitérer et dont pourtant on ne peut se passer.

Des yeux, encore, mi clos, mi fermés, selon son humeur du jour, clos sur l’évidence qui commence à poindre, ouverts sur le déni de nombreuses années passées ensemble.

Des années de bonheur, il me semble.
Je ne saurais dire avec exactitude aujourd’hui.
Je ne peux quand même pas me tromper à ce point là.

Dans l’oubli de mon corps

Cela pourrait tout aussi bien être le souvenir d’un corps d’une femme, ou d’une autre. Cela pourrait être l’oubli de ce qui a été, le rappel de ce qui n’aura plus lieu. Au choix. Tout entier dans le souvenir d’une femme non pas par le jeu du hasard mais par ce qui avait été convenu dès la première minute bien que l’on a trop souvent tendance à croire que cela ne nous concerne pas, que cette règle s’applique à d’autre que soi et qu’on sera celle qui, comme par un enchantement à peine concevable, réussira à nous ramener d’où on n’aurait jamais du s’échapper ; une chambre aux milles portes. Une chambre pleine d’un homme absolument vide qui retient encore le souvenir d’un corps et de tout ce qu’il a pu lui suggérer. Mais là aussi, tout ce qu’il arrive à convoquer c’est se souvenir de lui-même, à travers ce visage, la froideur du sourire, de son sourire. L’image se mord la queue, dans l’oubli de son corps, il ne se souvient que de lui-même en train de se souvenir de quelque chose dont il ne se souvient pas.

Pourtant si loin de tout ce qui lui était familier, malgré la couche partagée tant de fois, il ne parvient à se rappeler que de son visage à lui dans le miroir et son corps à elle dans un arrière plan, forcément flou. Et plus il tente de se rappeler de ce corps, plus il se persuade qu’il n’a jamais existé, que ce n’est que sans lui que ce corps peut prendre forme. Et finalement, il rouvre les yeux comme un chat s’étirerait, il laisse le souvenir lui échapper, au plus loin de lui-même et sans autre forme de procès, c’est fini.

d’après Jules Supervielle

dimanche, juillet 03, 2011

Plus d'amour de saison

Il n’y a plus d'amour de saison.
plus de liens sans raisons,
plus de coeur qui mord à l’hameçon.
je suis l'homme qui a oublié d’apprendre à t’aimer.


Il n’y a plus de raison d’oublier.
Plus de saison à effacer,
Plus de cœur à empoisonner.
Je suis l’homme qui ne craint plus le goût de ton poison.

Tout est à côté de toi
Autour de toi et en toi, mais
tu passes ton temps à feindre
à feinter avec les marées qui s'éloignent.

Il n’y a plus de cœur dans ta vie.
Plus de saison qui s’enfuit,
Plus d’amour qui se détruit.
Je suis l’homme qui a construit ton inaccessible piédestal.

Tout est à côté de toi
Autour de toi et en toi, mais
tu passes ton temps à feindre
à feinter avec les marées qui s'éloignent.

D'après une chanson des Tindersticks

Autre chose d'elle. (Virginie 1998)

Autre chose d'elle. (Virginie 1998)

Autre chose d'elle. Elle, aujourd'hui, dans une nouvelle ville, avec une vague idée de nouveau départ même si les moyens pour y arriver ne sont pas toujours là. Elle, aujourd'hui, les gens qui la suivent encore sans se demander pourquoi. Des gens sans réponses aux questions les plus simples, des gens qui suivent aveuglément celle qui a toujours donné l'impression de dominer, à défaut de tout savoir, savoir pour le moins gérer l'inconnu, comme certains hommes par exemple. Des aveugles qui se laissent guider par une autre aveugle, cela ne vous rappelle rien ? Bref. Où vont-ils comme ça ? Difficile à dire. Sans doute pas très loin, mais de son point de vue à elle, je pense que cette folle sarabande ne manque pas d'allure. Aujourd'hui, encore. Elle hésite, elle doute.

Elle se doute bien qu'elle est allée aussi loin que possible dans une certaine direction et que cette fois ci le mur ne cédera pas face à sa détermination. Elle soupire discrètement alors qu'elle attend le tram qui la ramène chez elle.

L’envol

L’envol

Restreinte et impérieuse,
Une ligne de perspective qui s’efface,
Comme la vie d’une inconnue qui s’impose envers et contre tout.
Par exemple sous la forme d’une gravure.

Au commencement, il n’y aurait pas de rencontre.
Ainsi l’ont recommandé les stratégies obliques.
Pas d’homme, pas de femme,
Pas d’unité de temps ou d’action.
Juste l’unité de l’abandon.

C’est là où l’allure se trouble,
Contrainte à se dédire
Mais ce n’est que partie remise
A plus tard, pour la passion qui s’attarde.

Sous un soleil qui n’est pas vraiment là,
L’élan se répercute,
Aux quatre coins de la chambre
Comme l’écho qui s’époumone
Par ricochets, par croisements de jambe,
L’écho a tout son temps,
Toutes ces minutes qui ne lui appartiennent pas.

Tout ça pour une ligne de perspective qui tue.

D’après Diane Latrille.

Et la maison

Et la maison s’effondre mais la porte tient bon.
Les escaliers s’ébranlent mais une partie du toit est toujours là.
Le corps du foyer est un cœur qui s’est fourvoyé
Mais nous continuons à rêver.

La Maison du Roi n’a pas été abandonnée
Ce sont les corbeaux qui l’ont habité.
C’est le jardin des Hespérides voué aux néons fluorescents.
Mais nous continuons à rêver.

Quand il ne reste rien, si ce n’est les fractures
D’un os rongé par les rats du passé
Frondaisons et buissons d’âmes égarées
Nous continuons quand même à rêver.

Quand c’est hier qui ne retrouve plus sa place
à gauche de demain, à droite de la main qui écrit
il serait si facile de tout renverser d’un revers de main
Et pourtant, nous, nous continuons à rêver.

samedi, juillet 02, 2011

Il n'aura fallu que cinq minutes

Il n’aura fallu que cinq minutes
et un visage qui chavire,
Trois points de suspension entre deux tirets
Pour qu’un homme se hisse
Au-delà des navires cachés,
Au dessus de l’incroyable ignorance des Anciens.

Ce n’est même pas un triangle qui dure dans le temps.

Où le front s’achève
Là où s’appuie le soleil,
Déméter n’a rien à ajouter.
Pour que l’un de nous deux soit absent

Toute la pluie a du être tamisée en un instant,
Il ne reste plus qu’à noyer les animaux
Et savoir éprouver les contraintes
Comme ce geste étrange qui ressemble à une symphonie.

Un endroit à découvert

Un endroit à découvert,
un couple qui sans ambages
se crée un abri tourné vers l’extérieur.

Presque un monde secret qui implose,
on décroit comme au premier jour
et l’on se croit amoureux.

De cette grande demeure
dans laquelle je veux croire,
je divise les incisives
et je m’égare dans un beau regard.

C’est presque un monde secret
qui s’extraie de la libellule.

Si proche d’Adam
Comme la fente d’un sexe féminin,
le violet l’emporte sur tout le reste,
un seul endroit où se cache toute la beauté.

Diviser pour régner sur nous-mêmes,
se diviser en deux pour s’aimer soi même.
C’est nous dans une photographie
qui égorgeons lentement
Les moins chanceux que nous.

Revenir

Revenir

D’aussi loin qu’un visage cherche à se cacher,
il y a toujours un point de rupture qui nous ramène
au centre d’une pièce où tout reste à accomplir.

Et on a beau se cacher, se prémunir d’un risque à venir
Il y a toujours un visage,
derrière un visage
que l’on cherche à posséder, ne serait ce que pour soi.
Ou pour que tout le monde sache et découvre enfin
qui on est, ce à quoi on tient, ce pourquoi on s’est battu.
Ce visage aux milles refus.

On en vient à désirer le déluge.
L’effacement du superflu,
la survivance de l’essentiel.
J’aimerais m’en tenir à un visage,
Revenir sur mes pas et ne pas se tromper cette fois.

Il faut arrêter de vouloir ressembler à sa propre statue,
parler pour tester sa propre voix,
séduire comme on rentrerait dans les Ordres.
C’est si difficile,
de revenir…