samedi, août 20, 2005

une rencontre

La rencontre

A travers mes veines coule le litre de vin que nous venons de partager, la main qui m’aveugle et la certitude d’être enfin ici et maintenant et non partout et à jamais. Sans le vouloir tu me donnes des raisons là où je suis confus et pour cela je dois te remercier.
Si cela continue comme ça, je vais finir par frapper quelqu’un. Ou alors me briser, écartelé par la beauté, abruti par l’envie du tout au tout. Refoulé sur une plage pleine de choléra à Cuba. Et c’est tant mieux.
Je dis : me briser mais c’est ce que j’attends au fond, une brisure bien nette. Saillante et luisante, la blessure cautérisée là où le pus purulait.
Ici, le mal c’est toi. Et le moteur, ce qui me pousse à m’articuler, c’est toi, aussi et surtout, et encore, et encore.
On me demande comment se dit « papillon » et je pense à toi MARIPOSA DE HIERRO. C’est sûrement un poème, c’est surtout un repère à l’heure où je t’assure être complètement flou.
Je redoute presque être dans la même pièce que toi. Un jour par semaine, à la même heure, et toujours la même question. A tes côtés, je pénètre dans la Cathédrale du Doute, le Règne de l’Equivoque. Je suis mais je ne suis pas. Je suis là et nulle part à la fois. Je veux et ne peux pas.
Alors il ne me reste plus qu’à écrire et à croire que tu penses à moi, comme ça, par hasard.

mars 2001

Musique à usage personnel

MUSIQUE A USAGE PERSONNEL

Je cherche la musique le début ainsi que la fin de tous les sentiments. On peut effacer, atténuer, dénuder ou même parfois inventer de toutes pièces le sentiment dont on a besoin pour exister. C’est ainsi. Là où règne le vide, la musique a son mot à dire, des mots à poser sur nos bouches. Il ne nous reste plus qu’à brancher la platine.

L’amour ...

… moderne va vite, très vite. De ces amoureux là, nous n’apercevons que les ombres confuses. L’œil n’a pas encore appris à les voir ces deux là ... Et pourtant, l’amour n’est ni moderne ni ancien, il est. Les battements de mon cœur s’accélère quand même un peu sur Modern Love de David Bowie. Mais rassure toi, rien de sérieux. C’est juste pour rire. … est amour éternel, un instant durant.Parfois, il est bon d’inventer des royaumes merveilleux où je te délivre du dragon et où tu me guéris du maléfice de la sorcière j’ai du Couteau. Parfois, il est bon de ne pas croire en ce que nos sens comprennent mais plutôt en ce qu’ils ne connaissent pas encore. C’est Ulysse qui appelle la sirène dans Song to The Siren de This Mortal Coil. Les oiseaux parlent déjà et nous les comprenons, c’est ainsi dans When I live my dream de David Bowie ou dans Love is de Jon Anderson et Vangelis. C’est à n’y rien comprendre. Le cynisme se dilue dans l’eau. Je suis niais, je sifflote La la love you des Pixies , je ne sais pas où j’ai laissé mon uniforme gris, ce n’est pas si désagréable après tout ... … est humain avant tout . Il nous côtoie, il est notre compagnon de toujours. Il est la douleur des hommes et des femmes, il est le cri de Hey des Pixies. Musique que l’on utilise pour couvrir nos sanglots comme d’autres montent le son de la radio lorsqu’ils battent leur femme. L’amour est donc cette histoire irrémédiable que l’on se raconte en secret pour conjurer le mauvais sort, l’accouchement fatal, la séparation ... « Il y avait sur l"île un homme et une femme qui étaient aussi heureux que possible. Il y avait aussi un serpent sur l"île et il avait des jambes comme vous et moi ... » nous raconte Langue d’amour de Laurie Anderson. Toujours unique et pourtant si banal, se réinventant à partir des pires clichés : amour magique, amour mécanique, tout dépend de toi et de moi et de l’instant, voire de la chanson qui passe à ce moment là à la radio. Heroes de Bowie est d’ailleurs une très belle dernière chanson d’amour.

L’amour ... …n’existe pas. Tu y as cru parce qu’on t ‘a dit d’y croire. Maintenant, l’illusion s’est dissipée. La séparation a été consommée et Dieu que c’est bon. Nous sommes deux à ne plus y croire. Les sentiments ne sont plus là mais la chanson n’est pas finie. La haine … … est une rage aveuglequi nous rapproche lorsqu’il n’y a plus rien d’autre, plus de feu autour duquel se retrouver et veiller en attendant des lendemains meilleurs. Sa première condition d’existence se trouve dans la musique des Pixies, 1989 tu étais où à ce moment là ?, Tame - I bleed - Dead - Gouge j’ai , autant de chansons où la voix du chanteur agonise sans cesse et cautérise ton envie idiote, atavique, de me prendre dans les bras ou de prononcer mon nom. Ça y est, tu es guérie : HURLE ! ! ! .Méfie toi quand même du bruit qui ne mène à rien. Bientôt tu te perds dans une lucidité extrême qui fait rougir tes yeux la nuit, maintenant tu peux écouter Brompton Oratory de Nick Cave, il all makes sense. … est un sentiment sourd, tapi au creux de ton ventre.
C’est un grincement de dent qui ne s’arrête jamais. C’est une rumeur malsaine qui passe de bouches en bouches et que tous répètent sans comprendre. Nous sommes les chiens désireux de satisfaire notre nouveau maître. Il faut frapper dans le dos des innocents et à plusieurs reprises si cela est possible. Nous sommes le début ainsi que la fin de Dogs de Pink Floyd. Laisse la haine te remplir, brouiller ta vue, laisse la parler à ta place. Elle donnera à ton regard une intensité insoutenable, elle te fera dire de moi que j’étais impuissant et que je te trompais. Tu es seule dans ta chambre, dans une cage de verre. Tu voudrais que j’essuie toutes tes larmes, as sudden tears fall, mais il est trop tard. … se dirige maintenant contre toi, son maître.
Tu es au centre de toutes tes douleurs. Il ne reste plus rien si ce n’est la douleur, l’envie d’effacer le bonheur de tous ces crétins qui te demandent comment tu vas. C’est alors que tu y penses (y penser sans le faire). La musique se fait plus lente. Plus pesante, elle t’étouffe. Tu peux à peine relever la tête, à quoi bon ? Tu écoutes Sons of the Silent Age de Bowie et puis tu finis par mourir, toujours dans le même accident de voiture. Décidemment. ABSENCE DE SENTIMENTS. Il ne reste plus rien. Tu peux écouter à peu près n’importe quoi. Arc de Neil Young, Apollo Soundtracks de Brian Eno. Tu trembles, tu pleures, tu ne vis plus. Tu reviens au centre même du calme le plus profond. Aujourd’hui, tu n’as pas besoin de musique. Tu flottes au creux d’une absence, la tienne, tu te manques à toi même. Tu commences à te détacher de toi. Tu marches à tes côtés, tu regardes les vitrines et tu surprends ton regard remarquablement vide, de temps en temps, qui se reflète dans les miroirs des magasins. C’est qui celle là ? La distance entre ce que tu es et ce que tu devrais être a un son propre. C’est une phrase répétée à l’unisson « We are the dead - We are the dead - We are the dead » . Ce qui n’était d’abord qu’un vide absolu se rempli peu à peu de ta présence. Une fois de plus, le silence a été interprété et tu lui as donné un sens. Un sentiment vient de naître. Tu peux en être fière ou pas. Il existe, c’est déjà ça de pris. Tu ne sais déjà presque plus à quoi ressemblait le sourire de ta mère. Tu ne sais plus qui tu es et pourtant tu reviens à toi. Pathos. Le mouvement se hérisse. Ecoute, c’est Morrissey qui te chante Will never marry - Disappointed - The end of the line, c’est dingue comme il a raison ce garçon ...Attention, l’amertume creuse un vilain rictus au coin de tes lèvres rouges. L’acide remplace ta salive, tu écoutes peut être Famous Blue Raincoat de Leonard Cohen, oui c’est sûrement ça. Et pourtant, tu ne devrais pas car c’est moi qui t’ai fait découvrir ce disque. Regarde plutôt cet homme au piano, il joue depuis si longtemps à ne plus avoir peur qu’il en a oublié que ce n’était qu’un jeu. Il chante On a wedding anniversary et Lie still, sleep becalmed, les paroles ne sont pas de lui mais c’est tout comme. Son piano et sa voix nasillarde te donnent toutes les raisons dont tu avais besoin pour réagir. Quel est donc le nom de ce sentiment ? Je ne sais pas, en tous cas, il a un son, il existe donc. On dirait les prières de Nick Cave sur The Mercy Seat ou le coup de grâce des trente premières secondes de Numb de U2. C’est fini. L’histoire, ton histoire n’a pas encore commencé. Les accords de My Funny Valentine de Chet Baker, entendus dans le seul bar où tu ne devrais pas aller, te font sourire. A nouveau. La musique t’arrache un sentiment. Tu tombes dans l’espace, de haut en bas ou de bas en haut. Rien n’a d’importance, tu reviens enfin, les coups de fouet se succèdent, qui les remarque ? J’ai entendu quelqu’un qui chantait ta vie. Elle fut terrible. Je me reconnais dans cette fuite en avant. C’est Modern Love de David Bowie, et je défie quiconque de nous suivre des yeux tellement nous avançons vite.



L'Absence …

est cet amas d'oubli coagulé Ce jour là, tu n'étais pas là au rendez vous. J'étais seul dans mon arrière salle de café à me demander pourquoi tu me forçais à jouer un rôle que je ne voulais plus assumer, dans ma tête et dans ma main qui remuent inlassablement un café qui n'en demandait pas tant c'est there is a war de Leonard Cohen, quoi que celui là je devrais éviter de le citer dans un café, cela ne me réussit plus trop... Qui contrôle sa vie ? Qui peut se permettre cette illusion là ? Tu es en retard, tu ne viendras pas d'ailleurs, tu es ailleurs, dans ma ville de Keren Ann, ce qui résume assez bien l'allure de tes pas à l'heure actuelle. Tu me manques, je ne t'en veux pas. J'avais besoin de toi. Il ne reste plus qu'à s'enfermer quelque part, se mettre en boule et susurrer Late Night de Syd Barrett, et puis pleurer, pour quelle raison ? Pourquoi pas ? Parce que les garçons ne pleurent pas. Ces larmes n'ont pas de prix, rien à voir avec ton absence. C'est physique, c'est tout. Une larme pour une larme, un sanglot chasse un sanglot. Je t'oublie. Et tu réponds remember me is all I asked, but if remembered is a task. Forget me est ce que tu me comprends ? Non ! Alors j'oublie. J’oublie d'oublier et j'oublie vraiment, même si la plaie ne se referme pas.


LA MUSIQUE EST UNE PURE MECANIQUE DE L’ AME

Je remonte le temps et le cours de ta vie par là même. Tout mon corps tremble et j’ignore pourquoi. I shake dit l’autre dingue et c’est exactement ce que j’ai envie de gueuler lorsque je passe par les rues où nous nous sommes rencontrés. Cela finit par sortir autrement, n’importe comment, un trop plein d’affection pourrie que plus personne ne sait regarder en face. Le hurlement reste dans la gorge, tranquillement à sa place et ce sont les larmes qui sortent alors qu’on ne leur a rien demandé. Elles sont là au rendez vous de Like Spinning Plates (live) de Radiohead. Avons nous vraiment le droit à un nouveau départ ? Où chercher et empoigner l’élan qui nous sortira de là ? Dans le matériel ? Peut être. Mass Production de Iggy Pop semble en être la source. Direction les étoiles, les morts, les zombies dansent le Saint Gui. J’accélère, je suis les pas de PJ Harvey à travers les pas de l’eau trouble de l’album Is this desire ? Et je retrouve Nick Cave sur Are you the one I’ve been waiting for ? Question ! Réponse ! Cliquetis. Pas de sens. Je n’avance pas mais je remonte le cours du temps. Tu marches dans le soir d’une rue de province et le sourire que capte l’appareil photographique est la preuve que ce qui nous est arrivé est arrivé à d’autres personnes que nous mêmes. Je ne vois pas d’autre explication. TU ES et je ne suis pas. J’étais et je suis encore un silence entre deux de tes soupirs, comment prétendre le contraire. L’express de Bashung, ni plus ni moins. Je prends la pose. Je ne peux pas arrêter le cours du temps, « le cours des choses », qu’est ce que cela veut dire ? Je perds de l’énergie, c’est la fin de Drive de Trent Reznor. L’électricité éblouit mes sens, je ne ressens plus rien. La mécanique déraille.

LE SILENCE EST ABSOLUMENT TOUT CE QUI ME RESTE



Sous les voûtes du firmament, à travers les couloirs les plus froids du métro urbain, tu sens le silence s’emparer de tout ce qui est à sa portée. Reste une ébauche de partition, une rumeur mal apprise qui prétend que la musique est là, Outside. D’abord tu ne veux pas y croire car tu n’es pas vraiment de nature optimiste mais, finalement, tu te laisses conduire par cet élan là où te cherchais en vain. Tu as gagné et je n’y suis pour rien. Je n ‘arrive pas à me réjouir complètement de la fin de cette histoire. J’attends un peu, pour voir. Et je n’entends plus que ça, le silence. Il occupe tous les interstices de nos dernières conversations avortées. Il est là, irréductible, évident comme un autre silence, justement. Il a sa grammaire et son vocabulaire bien a lui. Tu les apprends en souriant. Je ne te comprends plus. Dans ma bouche, une saveur inédite. Seule une voix répond ce soir à cette drôle de saveur, c’est amer mais j’avale. C’est Jeff Buckley et son Lilac Wine qui parle de tout ce qui nous reste quand tout est fini. L’ivresse de se croire absolument seul au monde, incompris et triste au possible, un grand rôle de victime en somme. Pourtant, je refuse, je décline ton offre. Je bois une dernière gorgée de cette soirée de fin d’année au milieu de cette fête, de cette foule désireuse d’oublier pour oublier. Je reviens vers les autres, mais pour aller où, je ne connais que l’express de Bashung. Fallait il monter dedans pour savoir qu’il ne menait nulle part ? Je reviens, pour aller où ? De nulle part, surgit une petite église à l’orée du bois, ou perdue dans la clairière. Ni gothique, ni romane, intemporelle, elle est déjà là. Une cage pour ceux qui n’ont pas d’âme. Je suis ce silence là, à travers toutes ses couleurs et ses méandres impossibles, ma bouche s’ouvre et Thom Yorke dit « Kill me Sarah, kill me again with love ». Au loin, j’entends les voix apaisées d’un choeur grec qui n’a pas lieu d’être. Le silence est décidemment tout ce qui me reste. Et cela devrait être largement suffisant, non ? Ces deux derniers sont respectivement dédiés à la fin, le renouveau et ce qui en découlera




LA MUSIQUE N'EST QU'UN MENSONGE QUI SE REPETE DE BOUCHES A OREILLES

Alors, lorsqu'il est trop dur pour faire face, lorsqu'il ne nous est plus permis de vivre debout, il vaut mieux courber l'échine, fermer les yeux, mettre un disque sur la platine et prier pour que la lame de la guillotine, qui ne manque jamais de tomber, s'abatte sur quelqu'un d'autre. Le sillon craque bien un peu, le diamant a bien du mal à se soulever mais, ouf ... on l'a échappé belle. On passe d'une lettre de suicide The last post de Elvis Costello & The Brodsky Quartet à n'importe quel titre des B 52's, le plus léger possible, s'il vous plait. Le coup est dévié, la lame s'en est allée ailleurs. Le malheur des autres te remplit de joie. Ce n'est pas toi qui as morflé ce coup ci. Combien de temps encore à te nourrir de la peine de tes proches ? A t'appuyer sur le malheur comme sur une béquille honteuse ? C'est un moment de dissonance parfaite à mi chemin entre le Sonic Youth de Hendrix Necro et le Ligeti de Atmospheres. L'harmonie du chaos, tu la touches du doigt, tu comprends tout et on te retire brutalement cette révélation pour te laisser seul à te demander quel disque correspond à ce moment là ... tu écoutes Ceremony de New Order parce qu'il n'y a rien d'autre à se mettre sous la dent, comme quand le frigo est vide et qu'il ne reste que de la vodka. Tu recolles les morceaux de ta personnalité et tu redeviens bêtement toi même. Tu appuies à nouveau sur PLAY après un léger moment d'hésitation, c'est quoi la musique du déséquilibre ? A genoux, la guillotine revient. Tu te sens misérable et tu l'es sans aucun doute. STOP. PAUSE. FORWARD On passe à autre chose, on passe toujours à autre chose. La peau est persistante, les os s'accrochent à ce qui reste de toi, tu es ... Tu finis par rêver de rêver.



LA MUSIQUE A LE GOUT D’UNE VILLE DU PASSE

Je n’y crois pas.
Je n’y crois plus.
Je n’en crois pas mes oreilles.
Ce n’est pas possible.
L’évidence ne peut pas être.
Pas cette fois.

Evidemment, certains t’avaient prévenu. Et alors ? Pourquoi leur donner raison ? D’où te viens cette envie de me casser la gueule, d’exulter dans le coup porté à l’autre ?

Evidemment, cela devait finir comme ça entre deux amoureux comme toi et moi. Chacun se replie dans son monde secret, monde de valises bourrées à la va vite, pleines de lettres passionnées qui n’ont plus aucun sens si ce n’est pour tous ceux qui nous ont détesté toutes ces années durant.

Combien de temps avant de se mettre dans la tête et dans la bouche que la fin est un début ?

Pendant quelques temps, il n’y a plus que la musique que nous écoutions ensemble. Elle est partout. Cruelle et sans pitié. Je suis, ne suis plus et ne serait jamais.

Alors ? you and me, what does that mean ? Forever, what does that mean ?

Après un laps de temps raisonnable, on appelle ça « le deuil », tu reviens à la musique. Une chanson pour se persuader qu’il y a une suite.
Il ne s’agit de ne pas se tromper …
Quelque chose d’abrupt, une décharge violente d’adrénaline : Nancy Boy, rien ne se fera en douceur cette fois. Tu te surprends à être capable de ressentir à nouveau du plaisir. Le cri est ton refuge comme avant ?
Le son électrique, immédiat, saccadé, sans but et furieusement dissonant. Pas de temps pour la réflexion.

Alors ?

Le volume sonore emplit, tâche et éclabousse tous ceux qui n’ont rien de mieux à faire que d’essayer de t’aider. Les acquis volent en éclats, nos sourires passés sont défoncés à coups de marteau. C’est bien.

Alors ?

Nous y sommes. This is it. Comme un coup d’œil sur ce jeune garçon qui s’obstine à quitter sa chambre, à l’aise dans son huis clos, les fenêtres pleins les murs, l’œil fixé, le soir venu, sur
la voisine d’en face, qui ne manque pas, de temps à autres, de se déshabiller juste pour toi, devant sa fenêtre. Merci.

Je ferme les yeux comme quand on referme les yeux d’un mort. Silence.

A quand la prochaine guerre ?

Le rêve prend soudain une forme inédite, misérable et grandiose à la fois, un monument qui n’en finit pas d’être inachevé en quelque sorte. Une ville, je crois. Paris, 1919. Les fantômes y sont aimables car définitivement morts, « from father to son ». Des hordes de chevaux sauvages défilent au trot dans les rues. Paris, 1919, ville aux lumières diluées dans la brume persistante qui sort de ton cerveau. Paris, 1919, une dernière fois. Equation, solution exacte à un long adieu qui dure un an, un mois et un jour, au moins …

Bizarre, tu ne prononceras plus jamais mon prénom, même par hasard, même dans les bras d’un autre.

Je reprends le cours de mon existence avec tout ce que cela veut dire d’improbable. On ne contrôle rien si ce n’est la musique qui correspond à un moment donné. Comme celui où tu ne sais pas si tourner à gauche ou à droite. Tourner en rond quelque temps, ça ne me dérange pas.

Alors ?

Dans les bras de Perséphone, de Deanna, de Ana, de Alice des Cocteau Twins.
Les notes clairvoyantes égrènent le compte à rebours.
5-SÉ 4-PA 3-RA 2-TION, les liens sont dérisoires, tu reprends le cours de la conversation là où tu l’avais laissé avant que nos regards ne se croisent.

Paris, 1919, on m’y trouve parfois en train de chasser des fantômes, ce n’est pas des plus agréables mais il faut bien que quelqu’un le fasse, non ?

J’exauce, j’expire, j’aspire à ne plus être.

Il faut que je sauve Baby Grace.



LA MUSIQUE EST UNE ABSENCE QUI S’IGNORE,

QUI REFUSE DE SE LAISSER NOMMER


Tu me manques. Tout le monde le dit, tout le monde le sait. Les chansons qui m’accompagnent dans cette absence et cet état de manque sont innombrables. Est ce que cela peut dévaluer ce sentiment pour autant ? Je ne crois pas. Certaines choses restent vraies quand bien même nos mots et nos maladresses peuvent aggraver notre cas.
Le manque, ce manque là, en tous cas, a un corps sensuel qui, vu d’ici, s’étire à l’infini. Corps sensuel ? Oui, car lié à tous mes sens. Tout en moi te réclame, en vain bien sûr. Un œil pour te pleurer, une oreille pour que tu me dises « cariño », une langue pour me la mordre jusqu’au sang, une main pour que tu la serres, un nez pour reconnaître le parfum que je t’ai acheté il y a quelque temps.
Aujourd’hui, ce soir en fait, tous les soirs qui me restent, le Manque prend un malin plaisir à jouer avec moi, avec mes sentiments.
Ce qui a été … L’a t’il vraiment été ? Qu’est ce qui est vrai là dedans ?
Alors deux chansons pour mettre des mots sur la plaie. She’s gone de Syd et les Tindersticks, même titre, musique différente, jeu à deux bandes, menu ingrat. Le sentiment est le même, la douleur de ne plus reconnaître ses propres habitudes. Se résigner à ne plus être qu’un creux en manque de plein, ou quelque chose comme ça. Se demander à quoi bon. Ne plus avoir d’habitude.
Que reste t’il ? Apparemment rien. Un havre de paix illusoire. L’envie d’en découdre avec l’enchaînement des choses. Ce jeu dont on a été exclu, dont on s’est exclu. Quelles en étaient les règles déjà ? Quelle en fut la durée exacte ?

« it lasted 20 years, 7 months and 27 days ».

Comment est ce que l’on joue ? Ah bon ? Ce n’est pas un jeu ! C’est la réalité ? La vie ?
Bon alors, je vais devoir aviser et trouver quelque chose.

A Low Symphony ?

Nous voilà, en tous cas, bien démunis. Tu me manques. Tout le monde le dit, tout le monde le sait mais est ce que l’on comprend réellement ce que je suis en train de dire, là, maintenant ?
La porte est restée ouverte, mes valises sont prêtes mais je ne sais pas où aller.
Partir à ta suite reviendrait à nier tous les efforts que j’ai fais depuis ton départ. Départ que je comprends mais que je n’accepte pas.
Autour de moi, il y a cette absence qui bouffe tout mais qui s’ignore, qui ne se connaît pas, qui ne regarde jamais dans ma direction malgré mes invocations. Comment fais tu pour m’ignorer à ce point là ? Tu sais pourtant que je ne suis pas encore prêt, que j’ai besoin de toi.
Alors je me laisse gagner par les larmes, elles sont toujours là, pas très loin, prêtes à s’épancher là où tes doigts se promenaient parfois, là où tes lèvres ne se poseront plus.

Tu me manques. Jeff Buckley Lilac Wine.

Ou encore …

It’s not a cry that you hear tonight
It’s not somebody who’s seen the light
It’s a cold and it’s a broken Hallelujah.

Est ce que tu m’entends ? Y a t’il une chance pour qu’un jour je puisse te revoir et redevenir celui que tu as aimé ?
Je regarde tes yeux sur une photographie récente, la dernière photo de toi à vrai dire. Tes yeux presque décidés à se retourner vers l’intérieur, à ne plus me voir et à attendre la fin.
Je regarde tes yeux et je me demande comment j’ai bien pu faire durant toutes ces années pour ne pas m’y reconnaître.







LA MUSIQUE EST COMME LE PASSÉ QUI TE REGARDE


Comme à l’époque où tu te retrouvais enfermé dans les chiottes d’une discothèque, dans une pièce isolée, au milieu d’une fête où tu n’étais pas vraiment invité, en train de gueuler au Bon Dieu, au Bon Père, à l’oubli qui mord voracement tout ce que tu lui fous à la gueule.
Ce soir, c’est la discothèque. Par facilité, la soirée doit finir et ici vaut bien au autre endroit.

Tu hurles comme à ton habitude, isolé, volontairement isolé comme si tu attendais que quelqu’un vienne te sortir de ton marasme. Idéaliste et cynique et surtout bourré. Tu hurles comme si le volume sonore pouvait avoir un sens, un poids de conviction qui ferait plier la réalité dans ton sens.
Mais ce n’est pas le cas, ta voix s’émiette, les gens partent, la discothèque s’est vidée ou presque. On se croirait aux frontières de l’Antarctique.

Antarctica starts here

Il ne reste plus que tes épaves favorites. Les trop moches, les déjà larguées, les maris trompés et méritant de l’être. Cela sent la fin de l’amour. Il y a les gens que tu connais, pas les gens de ton espèce car tu ne t’es jamais permis d’appartenir à un groupe, mais c’est ce qui s’en rapproche le plus.

Tu t’approches de la cabine du DJ et tu lui demandes ton quart d’heure. Il ne se fait pas trop prier, un whisky bien tassé et c’est joué. Et de plus, l’homme est fan, voyez vous … Il commence par Modern Love . Hélène se met à hurler comme une dératée, elle se lève d’un bond comme une furie et quitte le fauteuil décati où elle se faisait vaguement peloter par un moins que rien. Elle te prend par la main, un vrai sourire aux lèvres, et te hurle à la gueule « C’est Bowie ! », comme si tu ne le savais pas. Sans vraiment le vouloir, tu te retrouves rapidement sur la piste en train de sauter dans tous les sens dans une impressionnante imitation du Serious Moonlight Tour, au rythme de cet hymne à l’amour qui va vite et nulle part. Sans doute un bon résumé de ma moitié d’histoire avec Hélène. Sur la piste nous rejoignent Patrick et Caroline, couple alcoolo, se déchirant à coups de tessons de bouteilles les soirs de grande cuite, c’est à dire souvent. Le tout sous le regard narquois de Yaz, l’ignoble reine des putes, ce qui s’apparente le plus à ton meilleur pote en fait, gros branleur qui crève d’envie de se ramener sur la piste mais qui dans comme un manche et donc s’abstient. Afin de garder un semblant de contenance, ll décide de nous tourner le dos et s’en va au bar négocier un dernier verre, probablement sur ton compte d’ailleurs. Tu tournes la tête, où est ce que c’est la musique qui tourne ? Tu te sens bien, deux secondes de paix au cœur du chaos. Bowie et tes amis, tout est là. La musique pense à ta place.

La suite est effrayante, forcément. Les corps se tassent comme une vodka bon marché au fond d’un verre. I’m afraid of Americans , version Reznor s’il vous plait. Tu vois littéralement Hélène se flétrir sous les yeux. Elle ne va pas tarder à évacuer les lieux. Patrick s’est éclipsé et a rejoint Yaz au bar, Caroline ne danse plus mais titube encore un peu, elle fait peur à voir …

Te revoilà au centre de toutes choses, là où la solitude est synonyme d’identité, d’essence et de non partage. Cela dure longtemps. Quelques secondes en fait.

Le DJ a décidé d’enchaîner l’intégralité du single, avec ses 5 ou 6 versions. Suicide professionnel. Tu es absolument seul sur la piste. Cela commence à devenir glauquissime et pourtant tu t’obstines. Cela a un goût plutôt amer, mélange de bière même pas fraîche et de gin tonic bulldozer. Ta tête tourne, cela tombe bien, ta vie tourne en rond.

La musique est comme le passé qui te regarde.
Est ce que tu peux supporter son regard ?
There are places I don’t remember
Et comment pourrait il en être autrement ?
There are faces and names, they mean nothing to me

Tu tournes en rond comme les indiens, un peu aussi comme Neil Young sur scène avec Crazy Horse, particulièrement lorsqu’ils tournent le dos au public. Très impressionnant.

Tu es out. Il est temps de s’asseoir. Et pourtant tu te relèves aussi sec. Hélène n’est plus là. Elle est partie, accompagnée sûrement. Il ne reste plus grande monde. Tu retournes aux toilettes, la bile n’est pas loin, tu serres les dents, tu te passes un peu d’eau sur la figure et dans les cheveux. Ca va aller. Tu te regardes dans le miroir et tu te demandes ce que tu penseras de toi dans quelques années. La déchéance, ça te connaît et cela ne t’effraie pas mais ces jours ci, tu y es allé fort. Baste. Tu dis au revoir à la compagnie, ta voix ne te trahit pas, seuls tes yeux pourraient indiqué que tu es brûlé.

Presque dehors. Tu remontes à la surface. Tu fonds, tu te dilues dans les dernières notes de musique c’est uncertainty et c’est la voix de Beth Gibbons qui te dit au revoir.
Il ne reste plus qu’une flaque dissolue et inconstante. Voilà tout ce qui reste. Tu t’approches d’une cabine téléphonique et tu prends la pose, tu es complètement bourré. Mon Dieu. Qu’est ce qui te pousse à faire ça ? L’inertie ? Tu n’as aucune excuse et je soupçonne que tu n’en as même pas besoin. Finalement tu t’acceptes comme ça, alors ?

Les tramways ne circulent pas encore. Il fait froid mais tu transpires. Dans ta tête, tu repasses les highlights de la soirée et globalement tu te trouves minable excepté le moment sur Modern love . Pas folichon comme constat. A cent mètres devant toi, tu reconnais la silhouette titubante de Yaz, vrai tas de merde, ton super pote, l’enflure qui te crèvera les yeux au premier faux pas. Les rues sont désertes. Tu gueules à pleins poumons :

I shake

L’autre enfoiré ne se retourne même pas. La bile à l’entrée de la gorge. Beurk.

Tu rentres chez toi. Tu t’endors presque immédiatement à moitié habillé. Bon Dieu, je n’arrive pas à croire que tu t’endors avec cet air d’abruti heureux. A qui rêves tu ?

Tout finit ici et tout repart immédiatement, comme d’habitude.


La musique …

La cécité et une mèche de tes cheveux.


Ce sont des yeux clos, cloués, définitivement fermés pour ceux qui voudraient les voir.
Dis moi, qu’y a t’il à voir à l’extérieur que tu n’aies pas déjà vu mille fois, en mieux, à l’intérieur ?
La mort de Klaus Nomi ? L’agonie de Baby Grace ?
La mélodie de cette cécité c’est happiness de Venus .

Alors perdue à l’intérieur, perdue pour tous ?
De toutes façons tu es toute seule. Tes lèvres murmurent doucement,comme ça, pour rien ou presque. Tu ne t’appliques plus tellement à vivre. Tu laisses faire.
Pour l’instant.

every chance that I take tout commence là et tout semble s'y achever. Quelles en sont les règles ? Quels en sont les tenants et les aboutissants ? Ne le savez vous pas ? Qu'est ce que vous fichez ? Trop occupés à vivre sans doute alors que la musique est là, tentation suprême que bien d'entre nous ne savent même pas reconnaître ... Bref. Nous avions une chance et nous l'avons multipilé à l'infini comme par enchantement. Mais ma question reste la même : qui a su reconnaître nos prodiges ? Personne. et c'est tant mieux comme cela. Maintenant. On attend de nous beaucoup de choses : respirer, expirer, déglutir et surtout ne pas vomir. Mais est ce seulement possible ? Alors oui, une chance mais à quel prix ?



la musique est le centre de toutes choses Walk de An Pierle Le ciel est très bas à l’horizon. La mer ne m’a jamais paru aussi obscure qu’aujourd’hui. Les nuages fondent sur les vagues comme sur des proies trop vulnérables. Heureusement, j’ai mon lecteur MP3 avec moi. Protégé. Je me sens presque forcé de sortir sur la jetée pour voir de quoi est fait cette tempête qui approche. Face aux éléments en marche, porté par la voix de An Pierle , je me retrouve bientôt complètement seul dans une bulle d’air surchargé d’embruns et de promesses de noyade. Je sens un léger vertige venir mais je le laisse passer. J’y suis. A nouveau. Le centre de toutes choses. Là où je me cache, loin de tous les artifices de l’apparat. Nu et clamé, en paix tout simplement. Ce moment s’échappe déjà. Je le laisse partir sans tristesse car je sais qu’il reviendra. Plus tard. Sans que je ne m’y attende vraiment, à travers un morceau bien particulier, un déclencheur. Je l’accepte. Je sais que je suis désormais trempé des pieds et à la tête. Soudain, une main s’abat sur mon épaule. C’est un gars du coin qui me gueule dessus comme du poisson pourri. Je suppose qu’il me dit qu’il n’est pas prudent de rester là dehors. Je lui fais signe de la tête que je vais le suivre. Je lui emboîte le pas et je jette un dernier coup d’œil derrière moi. Je me refuse à me laisser gagner par les remords. Je me demande juste où j’ai bien pu perdre cette sensation d’être et de savoir que j’ai été . J’appuie sur la touche « rewind » et une chappe de plomb me tombe dessus lorsque la porte de l’espèce de bunker se referme derrière moi. Je sens les larmes monter aux yeux. J’espère distraitement que cela passera pour de l’eau de mer. De toutes façons, personne ne prête attention à moi. Tant mieux. Il ne se passe apparemment pas grand chose mais mon cœur se soulève. Je me sens si vulnérable. Je n’y peux rien. J’accepte d’être submergé. Finalement, je décide de m’asseoir à côté d’un radiateur et je pense à la fin de L’ami américain de Wim Wenders, à ce qu’il parait ça a été tourné pas très loin d’ici. J’irais voir ça lorsque le temps me le permettra. Et je déciderais de comment cette histoire doit se finir.

LA MUSIQUE EST LE SOUVENIR PRECIS DE CE QUI NE SERA PAS


Je me souviens d'elle avec une précision quasi photographique. Le manque est très rapidement proportionnel aux détails qui me reviennent au fur et à mesure que j'essaye de l'oublier. Qui est elle ? Un sourire ? Une silhouette qui se découpe sur le fond d'un mur tapissée d'affiches à moitié déchirées ? Non. Elle est cette nuit d'été. Deux yeux qui savent me regarder. Le genre de regard sans lequel on ne se sent plus vraiment entier. Mais voilà. Ce n'est pas le seul fantôme que je vais croiser ce soir. Les circonstances l'exigent, les photos sur les murs parlent entre elles. A quoi bon faire semblant ? Comme le dit assez bien John Cale, on est parfois à la chasse aux fantômes même si cela n'est pas toujours agréable. De toutes façons, je ne vois pas comment je pourrais l'éviter aujourd'hui, alors je me laisse faire car passer à côté d'un fantôme sans le regarder dans les yeux, sans entamer la conversation avec lui, peut se révéler être fatal, plus tard. Alors voilà, on parle. On ne dit pas " est ce que je te manque ?" ou " Ton absence me rend dingue" mais plutôt des choses comme " Sympa ton drap blanc. C'est fourni avec les chaînes ou c'est en option ?", bref le genre d'âneries dont tu t'es fait le spécialiste et qui fait dire à la plupart des gens que tu ne cherches qu'à faire l'intéressant ... Oui, mais à quel prix ? Du coup, on évite soigneusement les pleurs, C'est bien. Je finis par lâcher un egoiste " A quoi est ce que je ressemble" et je n'ai pas vraiment le droit d'être étonné que l'on me réponde " A pas grand chose". Est ce que je suis triste pour autant ? Suis je en fait reconnaissant de pouvoir à nouveau partager quelque chose avec toi, même si ce n'est que de la douleur ? Je ne sais pas. Je crois sincèrement qu'il n'y a pas de mots pour évoquer ça. C'est pour ça que je m'obstine. Être déchiré et à nouveau "entier" pour la première fois depuis des mois. C'est ça que je désire : ressentir. On dit souvent que ce sont les vivants qui convoquent les morts ou les fantômes. Cela me semble absurde. Le désir de se retrouver est commun bien qu'il soit parfois difficile de le formuler à haute voix. J'écoute Dying on the vine de John Cale et tout est dit.


LA MUSIQUE EST LE SOUVENIR PRECIS DE CE QUI N'A JAMAIS ETE


Je suis désolé. Je n'arrive pas à détourner mon regard. Quelque part, je sais que c'est un choix de vie, pour l'instant, je veux bien essayer de faire face car j'ai été lâche bien des fois auparavant. Lâche sans me l'avouer, bien sûr. Lâche parmi les lâches afin de me sentir moins seul. Au lieu de me perdre dans le futile, fusse l'adorable sensation illusoire d'être le centre de tous les regards, je dois aujourd'hui retourner dans les bras de celle qui me tue. La chanson s'intitule Expert Rites. Pas mal d'entre vous la trouveront empruntée voire maniérée et pourtant c'est la musique de la situation. Alors, on l'écoute ensemble, on se tait et on se sent plutôt mal. Pour moi, il est assez rassurant de croire que tout peut se résumer à une chanson, courte de surcroit. Avec l'espoir insensé d'en ressortir momentanément lavé et guéri. Les mots et la musique résonnent aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. La douleur fond, un instant durant. Et cela recommence.



LA MUSIQUE EST LE SOUVENIR DE CE QUI NE SERA JAMAIS PLUS ...


et cela recommence. Le premier jour où son visage commence à s'estomper pour de bon. La première fois où tu ne te retournes pas lorsque tu entends quelqu'un prononcer son prénom dans la rue. La première fois où tu dois faire un réel effort pour te souvenir de la chaleur de ses petites mains sur ton dos. Cela te donne envie de pleurer, bien sûr, car tu n'es pas ce monstre d'insensibilité comme on a dit parfois, suffisamment fort pour que tu te sentes blessé et suffisamment bas pour ne pas te laisser une chance de débouler et de "piler" tout le monde sur place. Puisque tu es ainsi, à ce qu'il paraît. Tu fais un effort surhumain pour ne pas te mettre à chialer. Pourtant, c'est tellement tentant de craquer. Ce ne serait pas la première fois et personne ne le saura. J'ai envie mais je ne peux pas. Je ne m'invente pas d'excuses. J'ai semé et récolté le chaos, comme tout le monde. Ça me démange mais je ne me gratte pas. Je serre les dents. Besoin d'énergie, de temps, de calme. Avant que cela ne recommence encore. Est ce qu'une chanson peut avoir le même sens tellement de temps après ? Si je dis : "je voudrais que tu sois là", est ce que cela a encore un sens ou s'agit il d'un réflexe que j'ai du mal à dominer, un trop plein d'amour s'ignorant lui même ? J'ouvre la bouche et je me retrouve une dizaine d'années auparavant. Je ne sais pas ce que je veux. Je passe mes journées à me convaincre du contraire. Mais je le dis quand même: How I wish you were here A quoi cela va t'il me servir ? Je suppose qu'au bout d'un certain temps cela ressemble plus à de l'automutilation qu'à autre chose, n'est ce pas ? Ce n'est pas une page qu'il faut tourner mais un livre que je dois brûler.


La musique est la volonté absurde d'échapper à l'avant et à l'après.


Lorsque je reviens vers toi, c'est après avoir longtemps hésité. Me croyant invité, me sachant haï, luttant pour échapper à l'avant et à l'après. Cela ressemble à une mélodie que l'on connaît trop bien et puis cela se transforme en aberration : je crois que j'ai déjà entendu ça dans la B.O de Requiem for a Dream, un rêve au goût opiacée, des lèvres sensuelles et bleutées, une chute comme seule une caisse claire sait improviser.

Maldoror 2

La violence s'enchevêtre dans ta mémoire.
Elle
te
poursuit.
jusqu'à ce que tu deviennes violence à son tour.

Aujourd'hui, tu te retournes contre toi même,
Tu n'a personne d'autre contre qui te retourner.
Heureusement,
la blessure qui en découle n'est qu'apparente.
Ce n'est pas un cri, ce n'est pas du sang.

Maldoror,
Je ne te demande pas d'être témoin de quoi que ce soit.
Ferme les yeux, retiens ta respiration, bouche tes oreilles.
Voilà, tu n'existes plus.
Tu n'es plus que l'immense désert qui voile l'esprit de celui qui s'y perd.
Tu attends.

Tu pensais peut être sincèrement que tu ne pouvais pas aller plus loin, que la dernière fois était la bonne,
que plus personne, jamais plus, n'aurait à te craindre.

Hélas, ce n'est pas le cas. L'envie est revenue et avec elle son infâme chapelet de petit cris aigus. Les anges
de la miséricorde tels que personne ne pourrait se l'imaginer. c'est ainsi que les yeux de Maldoror doivent se
rouvrir et inspecter soigneusement ce qui l'entoure. Où est la proie ? Comment s'appelle t'elle ? Me donnera t'elle
satisfaction ? Qui sait ? Peut être que ce cou délicat que j'aperçois déjà fera l'affaire ... il ne s'agit pas de se montrer
trop difficile cette fois, ce n'est pas ça qui compte ... ce qui compte c'est l'horreur absolue et surtout les cris qui n'en finissent pas.

L’instant d’après

L’instant d’après, c’est déjà fini. Un peu comme si cela n’avait jamais eu le temps de commencer d’ailleurs.
Ma main se tend vers toi et ton ombre, apeurée sans doute, s’enfuit.
L’instant d’après, les larmes refusent encore de sortir même si je sais que tu imagines que c’était la dernière fois.
Verrais je un jour ton visage se pencher au dessus de moi pour de bon ?

Je pensais l’avoir trouvée.
Je croyais avoir appris à déceler tes mirages.
Et ces montagnes d’ironie ?

Je regrette tes cheveux, du côté droit de mon oreiller et la tendresse avec laquelle tu me mentais en m’embrassant sur la bouche.

L’instant d’après, je m’invente autre.

Je ne réponds plus à mon prénom lorsque tu m’appelles. J’efface ce que je deviens au fur et à mesure que ton amour s’atténue. Je me réfugie entre les lignes d’une lettre d’adieu, entre les instants que le hasard ne nous accordera plus désormais, qu’au compte gouttes.

Un instant, durant, l’instant d’après et la douleur perdure.

Le monde tourne mais ne se retourne plus sur notre passage. Nous ne sommes plus qu’un instant parmi tant d’autres instants, fugitifs comme le reflet de Luka Philipsen dans le parebrise d’une voiture garée devant chez toi.

Un instant durant, je me remets à croire, à transpirer pour de bon pour toi. La bouche pleine d’illusions, la langue désespérément tendue vers ta chaleur. L’envie d’en découdre, l’envers de la vie. Arracher les boutons du manteau de pluie. Sortir dehors et te retrouver, où que tu sois, avec qui que tu sois ; un instant après.

L’instant d’après, c’est toujours le même instant. Toujours la même rencontre, jour après jour. Mille fois la première fois. Mille fois ne pas te repousser et tomber avec toi dans cet instant charnel qui dure cinq ans.

Imagines tu ce que disent les morts aux vivants ?

Imagines tu ce que disent les morts aux vivants ?
Tu devrais le savoir pourtant.
Chaque jour je suis là, parlant en silence,
aux murs et aux fenêtres qui régissent ta vie.

Et la fois où ta main a traversé la mienne,
j'ai laissé au creux de tes doigts,
les cendres futures et les os à moitié rongés.

Le contact de ta main, l'abandon des formes.
Corrompu,
Blessure fictive, ô combien fictive,
Tout ça parce que tu m'aimes encore.

Mais ...

Maintenant, je te regarde et tu détournes le regard,
sans le savoir bien sûr, tu ne peux plus me voir.
Au dessus de ta tête, mon bonheur comme un halo sacré.

Et la nuit , parfois, je t'entends prononcer mon prénom,
dans ton sommeil profond ...

Paul, Paul

Tout commence et s'achève là, mon sens du réel, ton envie d'oublier.
Tout commence par "je suis un fantôme" et " Tu es vivante".
Tout commence par la séparation, du corps et de l'âme, des larmes, des voix blanches, des gens
qui s'affairent dans un tourbillon indistinct à moins que ce ne soit moi qui ne le soit plus, distinct,
trouble à l'envie ...

Abonné aux absents pour toujours et à jamais.

Une semaine passe. Il ne m'arrive rien de particulier, je vaque à l'immatériel, je me prépare à
vous hanter ...

Ce qui était une bouffée de chaleur devient une abstraction, ce qui s'appelait désir devient rien de
moins qu'un tramway. Je suis une salle d'exposition vide, un musée pleins de visiteurs indésirables
et peu respectueux de ce qui est accroché aux murs ... le blanc ... le vide ... Hyperréalisme à la Estes comme
impressionisme latin, tout à un sens et puis s'égare. Trébuche, me rebute et file à toute vitesse. Je sais que
je ne sais pas encore que je ne suis plus là. Elle ne me manque pas encore.

Tout commence et rien ne commence.

Ici et maintenant

Ceci est la fin du monde
tel que nous l'avons conçu,
tel que nous l'avons désiré.

il a suffi de se plier aux circonstances.
De ne plus se faire confiance,
de rêver par dessus l'épaule de l'autre.

Se dire qu'on en avait rien à foutre.

Alors nous y voilà sans faire exprès
dans ce cimetière bordé de cyprès,
je suppose que c'est là que nous nous quittons,
là où notre chemin s'arrête, à l' abandon.

Alors nous y voilà sans vraiment le vouloir,
la fin de ce monde, l'autre côté du miroir.

Déjà hier n'avait pas le même goût,
un rien pourri,
un rien improbable et fou.

Ceci est la fin d'un homme et d'une femme
tels qu'ils se sont voulus,
tels qu'ils se sont désirés.

Il a suffi de se plier au vent mauvais.
De jouer au couple parfait
et, de se dire que nous l'avions défait.

Alors nous y voilà sans vraiment le vouloir,
la fin de ce monde, l'autre côté du miroir.

Déjà je ne nous reconnais plus
que dans une pyramide abstraite,
un vaste carré de défaite.

Alors, finie la moiteur de la sieste,
un après midi et dont rien ne reste,
à peine un goût salé au creux de ma veste
là où ta tête reposait encore hier.

Alors nous y voilà sans vraiment le vouloir,
la fin de ce monde, l'autre côté du miroir.

Comme ça une dernière fois,
pour voir ce visage aussi terrible qu' avenant,
le visage de ce monde qui s'achève,
ici et maintenant.

9 février 1998

Le cul collé sur une chaise, les yeux vissés sur un point invisible du mur.
Je t’écris.
Le jour, je vis avec les morts, avec certains d’entre eux, tout ce qu’il y a de plus fréquentables. J’imagine peut-être un peu tout ça, je ne sais pas.
Et pourtant, j’ai l’impression que ça chuchote pas mal, là, juste derrière moi. Je rêve.
Les seins scotchés à ma princesse
je jouis de cette bassesse.
Avec l’envie d’r’mettre ça.
Pas moyen, j’suis à plat.
Je vis avec les morts à venir. C’est morbide mais c’est comme ça.
J’y suis dedans, en plein dedans.
Si on me disait que je suis un fantôme, je le croirais peut-être.
Pourtant, je vis avec toi, je ne l’oublie pas.
Je vis pour être ailleurs, la musique, un baiser au creux de mes hanches.
Je sens mon corps craquer comme une pastèque trop mûre.
C’est toi qui me fait ça ?
Le cul collé à la chaise, j’attends que ça passe; la poisse,
le désir me colle à la peau. Manque de bol, je serre les jambes,
je sens mon sexe qui gonfle. J’attends ta main pour me libérer.
On dirait que tu as mon âme
et j’apprends tous les jours ce que c’est d’avoir une âme.
J’aime internet, ça tu le sais, de la même manière que j’aime le hasard, les paroles malheureuses et tout ce que l’on fait ensuite pour se faire pardonner. Internet est une intention. Une déclaration de foi. Un ordre qui n’est possible que lorsque l’on se perd. C’est grisant. Tu comprendras maintenant pourquoi je suis interdit d’internet au boulot.

J’aime être mis à l’annexe, j’aime,
et j’ai l’impression que le vent souffle en plein dans mon visage.
Ceci est exactement le genre de missives que je t’écrirais dans la vie réelle.


la suite, bientôt. 9 février 1998. Roanne.