mercredi, novembre 08, 2006

Mary Ann 5

Mary Ann 5

A cet instant précis, Mary Ann aurait désiré plus que toute autre chose au monde avoir la possibilité de se voir à travers les yeux d'un inconnu situé à quelques mètres sur sa gauche afin de pouvoir mieux comprendre ce qui lui arrivait. Une main sur son épaule ... Expliquer et tenter de rationaliser ce frisson qui lui remontait l'échine en ce moment même pour finir par une gerbe de feux d'artifices dans ses yeux à elle, que lui heureusement, ne pouvait pas voir pour l'instant.

« J’ai essayé de lui dire adieu mais, bien sûr, j’en étais incapable et je le savais dès le départ. La clarté et le définitif, ce n’est pas mon genre, que voulez vous ? Je suis comme ça et il est trop tard pour que j’envisage de devenir quelqu’un d’autre, quelqu’un qui serait sûr de ses sentiments et pleinement conscient de ce qu’un « peut être » peut entraîner chez les autres. »

La main qui venait de se poser sur l’épaule de Mary Ann était autant celle du bourreau que celle de celui dont elle voulait faire son amant. Sur l’échafaud, que nous reste t’il si ce n’est un souvenir précieux qu’on n’oserait compter à personne et qu’aujourd’hui on va pourtant révéler à la foule massée devant nous. Lorsque le supplice et la délivrance se jurent amour, à toujours et à jamais.

Le reste du concert que Mary Ann était venu voir dans un premier temps n’avait plus d’importance. Il était là, tout près d’elle, et c’était la seule chose qui importait vraiment. Mary Ann s’en voulait de ressentir autant de désir pour un homme, le genre de choses acidulées et croquantes que certains appellent « amour » et que Mary Ann ne saurait pas nommer de si tôt. Quand bien même, elle était décidée pour une fois à aider le hasard et à lui donner ce qu’elle voulait par-dessus tout.

Elle allait en effet devoir manœuvrer au plus juste car rien n’était simple avec un bourreau de cette trempe là. Dans un premier temps, évincer tout le monde, ensuite éviter à tous prix une soirée interminable dans un rade vers la rue de Charonne qui n’avait jamais la bonne idée de fermer à une heure décente. Il fallait agir. Embrasser le destin.

Mais la main de son bourreau pressée délicatement sur son épaule, à mi chemin entre la menace et la caresse, alors que tout le monde se dirigeait vers la sortie. Mais les palabres devant l’Elysée Montmartre pour savoir qui faisait quoi, utiliser une rhétorique qu’elle s’ignorait posséder pour rapatrier toute la troupe dans l’arrière salle d’un café proche qui, elle le savait, fermait à une heure. Ce fut pour finir un mot griffonné à la va vite aux toilettes puis remis discrètement à son tendre bourreau, qui s’ignorait victime en devenir, pour se retrouver plus tard dans une boîte tranquille de la rue Saint Denis. Tout ça sous les yeux d’un Stanley White à moitié dupe qui se demandait bien pourquoi on n’allait pas faire la fête jusqu’au bout de la nuit.