vendredi, avril 18, 2025

La circonférence d'un cercle

 

La circonférence d'un cercle



Ce chemin, cette route que je reconnais et qui, je le sais, mène à une maison que je vais retrouver du premier coup. C'est le chemin que je me suis évertué à éviter des années durant. Le chemin qui de loin me semblait tourner en rond.


Mais avant cela, il faut s'arrêter quelques instants. C'est la peur d'être heureux, sans doute. Car il est bon parfois de relever la tête et de s'en remettre aux cours des nuages et attendre au pied d'un arbre que l'histoire prenne son véritable sens. Jusqu'à ce que quelqu'un ne vienne à notre rencontre. Un jeune homme nous ressemblant étrangement. Il vient à notre rencontre un sourire aux lèvres comme un vieil ami le ferait. Il s'arrête à quelques pas, hésitant manifestement à s’asseoir à nos côtés sous l'arbre. À la place, il reste debout et prend la parole. Il dit quelque chose comme:


«Tiens, aujourd'hui tu n'as pas ton chapeau. Étrange, avant tu ne t'en séparais jamais. Il t'allait bien ce chapeau. C'est Terry qui te l'avait donné,non? Inutile de me regarder comme ça. Ne cherche pas dans mes yeux un début d'explication. Je sais, un point c'est tout. Ça me fait quand même plaisir de te revoir. Tu sais que je m'inquiétais pour toi? Toi et ta manie de te vider l'intérieur des entrailles. Ta façon si particulière de rechercher l'art pour l'art. Je vois aujourd'hui que tu en revenu de cette voie sans issue. Tu n'avais pas le choix. Tu as bien fait. Il fallait le tuer. Pas de remords à avoir. Il est grand temps de passer à autre chose. Quoi? Tu n'es pas allé à son enterrement? Et alors? Peu importe ce que diront les gens, tu as bien fait de ne pas y aller parce que ne nous leurrons pas, où que tu ailles, il sera avec toi.» Et là dessus, il s'en va.


Je reste là encore un long moment avant de me décider à reprendre mon chemin. Je ne suis plus sûr de rien. Je ne sais pas si j'en serai capable mais il faut que je rentre chez moi. Je n'ai plus le droit de faire semblant et de prétendre que cela est arrivé à un de ces personnages que je crée sans cesse. Les heures passent, le paysage reste le même. Au loin, au bout du chemin, ça y est, je la reconnais, ma maison d'enfance. C'est à ce moment là que je me rends compte que le chemin est un cercle qui me rapproche de mon but tout en m'en éloignant au détour d'une bifurcation à laquelle je m'attendais presque. Ce n'est donc pas encore aujourd'hui le jour où j'aurai le droit de revoir les miens. Le jour où je pourrai à nouveau porter le nom que mes parents m'ont donné à ma naissance.

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jeudi, avril 17, 2025

Nite Flights

Nite Flights


Vue d'en haut, la Terre a parfois l'air de ne plus être habitée du tout. D'ailleurs c'est peut être le cas. Vos villes, je les ai trop longtemps subies. Il est temps d'imaginer autre chose. Ce qui me frappe le plus c'est la montée de ce sentiment de toute puissance qui s'empare de moi lorsque je vous survole. Je deviens l'architecte de l'altitude. Comme des envies d'effacer le paysage et de recommencer vos vies jusqu'à ce qu'elles soient parfaites.


Des années à parcourir les ciels européens et toujours le même émerveillement lorsque les villes disparaissent et laissent place au vide. C'est là que tout devient possible et que j'oublie presque mon appareil pour ne faire plus qu'un avec l'apesanteur.


Après tout, je ne demande pas grand chose. Rien qu'un oracle décent ne puisse m'offrir. Ouvrir des cages, fermer des trappes. Ressentir le froid de la nuit au plus profond de moi et vous oublier.


Soudain, la sonnerie retentit. C'est à mon tour de prendre mon envol. Lentement je m'élève au dessus du sol et avec l'altitude je sens mes sentiments s'agripper encore un peu à moi puis lâcher prise. Ça y est. J'y suis. Je suis embarqué dans mon vol de nuit. Un long voyage sans but qui n'a comme seule et unique vérité que la distance entre moi et toutes choses. Je me retourne vers le terrain que je viens de quitter. Au sol, une silhouette solitaire, je me reconnais avec peine mais c'est bien moi qui regarde un avion qui prend son envol. C'est fait. J'esquisse un dernier signe d'adieu et c'est fini.

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mardi, février 25, 2025

Lac

 

Aujourd'hui, je suis à la merci de ce fantôme que tu connais si bien.


Non, non. Ce n'est pas cela que je voulais dire. Je ne voulais pas commencer comme ça. Attends. Tu ne vas rien comprendre. Et il faut que tu me comprennes à tout prix. Voilà. En fait, je voulais te parler du temps des fantômes, c'est ça, la façon que nous avons d'essayer d'exister, de nous repérer. Il n'y a plus de dates ou d'années. Cela ne marche pas comme ça. La meilleure image qui me vient à l'esprit et ce n'est même pas exactement ça, c'est les matriochkas.

Les faits s'entassent, s'imbriquent les uns aux autres. Ils ont la même forme mais pas la même taille. C'est la taille qui nous permet de nous repérer dans le temps. L'unité de mesure étant l'intensité de l'émotion.


Par exemple. Je te tiens par la main.


Ah non, pardon. Je me suis encore trompé. J'ai cru que c'était réel. C'est l'émotion d'un fantôme. Je reprends. Je cherche les mots. Je crois que je suis avec toi. Il me semble que je te tiens la main.


Cela ressemble à un lac en altitude. Nous sommes déjà venus ici car nous n'avons pas de difficulté à savoir quel est le chemin le plus court qui mène à notre destination. Je n'arrive pas à savoir d'où nous venons mais l'important c'est que nous sommes arrivés. Nous regardons la surface de l'eau un long moment car nous savons très exactement qu'ils vont venir. Les fantômes de nos émotions, chacun avec un son qui lui est propre, une forme, une couleur, presque même une odeur. Le bleu est salé, le rouge plutôt sucré,etc. Le lac se transforme peu à peu puis cela va très vite. De la surface du lac, des gouttes d'eau remontent de plus en plus vite jusqu'à nos yeux. Et les noms reviennent à notre mémoire. Ton nom, mon nom. L'intensité est forte. Toi tu as ton souvenir, moi le le souvenir du mien. Il nous en a fallu bien du temps avant de savoir quel fantôme nous accompagnerait jusqu'à la fin de notre vie. Tout a le goût de ces larmes que nous devons accepter. C'est l'humiliation ou la séparation, le bleu ou le rouge.


A cet instant, ce vaste lac en altitude dont nous sommes les deux seules sources.

samedi, février 22, 2025

Je définis un rêve transparent.

 

Bien au dessus de la surface,

et dans la distance d'une constante indécision,

Je définis un rêve transparent.


Il me faut,

une atmosphère dépourvue d'oxygène,

des pilules de plasticine à portée de main

mais surtout un collier d'airain.


Une figure prend forme,

c'est un vieux portrait sans relief animé.

Un ami sans attache et sans renom.

De retour, à l'improviste,

sur le pas de la porte,

encore en avance sur l'heure annoncée.

Il ouvre la bouche pour respirer.

Tout barbouillé de rouge,

et pourtant ne sachant pas saigner,

c'est un invité, c'est un fantôme adoré.


Encore le lever d'un soleil,

le matin toujours,

après avoir été transparent,

tout une nuit durant,

c'est tout barbouillé de rouge,

qu'il m'apprend à faire semblant.


Qui a dit que les fantômes n'aiment pas être hantés?

Parce que je me suis donné à ce qui aime être regardé,

je ne dois pas oublier d'être oublié.


A force d'être transparent, le rêve devient tranchant,

un soupir, un glissement, un autre soupir.

C'est juste un instant qui ne dure pas vraiment.

vendredi, février 07, 2025

Avec toi

 

Avec toi

et non plus,

tout autour de toi.


Avec toi

et non plus,

bien après toi.


Ce que je veux. Ce que je mérite.


C'est un pas en avance

sur ce que retarde l'horizon.

Un pas en retard

sur ce qu'annonce la raison.

Fini d'être un souvenir.


Si je ferme consciencieusement les yeux

je te vois enfin.

Quelle joie de te retrouver!


Tu es tellement toi même

que les mots ne cessent de trébucher,

à chaque marche qui mène

d'un fantôme à sa muse.


C'est si long de se retrouver.

Si long de ne plus se détester.

Tu vois?


Il a même fallu que je disparaisse complètement.


Avec toi

et non plus,

tout autour de toi.


Avec toi

et non plus,

bien après toi.


Ce que je veux. Ce que je mérite.


C'est le goût des épines sur mon front sans doute.


samedi, janvier 25, 2025

Imposteur

 

Imposteur


Au delà du geste et de l'intention

ce que j'avais vraiment voulu,

ce nouveau nom,

ce nouveau visage,

je l'avais déjà bien avant de le désirer.


Ce serait une croix là où il y avait une barre,

Ce serait un + au lieu de deux -.

Un prénom polonais,

une biographie américaine,

une absolution bon marché.


C'est ainsi qu'à l'encontre de ce qui était écrit

et du cours ordinaire des choses,

j'ai commencé à me ressembler.

Je n'avais plus qu'à écrire un nouveau poème

sans me soucier

de là où il voulait m'emmener.


Aujourd'hui,

j'ai changé de nom

de regard et de dispositions.

On m'appelle par mon ancien prénom

mais si je me retourne c'est pour d'autres raisons.

jeudi, janvier 09, 2025

Eliza

 

Eliza


Se tenant prêt d'une révélation,

un sol rocailleux comme un autre,

des hésitations à ne plus savoir qu'en faire.

La nuit auprès d'un autre puits.

D'un regard, Eliza replie mes ailes

et m'enjoint à lutter contre elle.



Lutter à accepter une beauté qui ne peut être reniée,

comme par exemple,

toutes ces choses qui m'ont éloigné de toi:

Une boîte à bijoux bon marché,

une montre qui ne donnait plus l'heure.

J'avale.

Un grand morceau de vide.

Dis moi,

comment est ce possible?

Comment vaincre un ange renié?


J'aimerais réentendre ta voix,

le soupir entre deux braises,

la promesse de l'hiver,

le contrat entre Eliza et les flammes.


La lutte a duré toute la nuit.

Demain les voix me parleront à nouveau

d'Eliza et de ses exploits,

d'Eliza et de mon autre moi.