lundi, mars 06, 2006

Musique à usage personnel : Wish you were here

Cette chanson n’a pas de fin. Elle ne débute même pas là où on le croit. Elle court le long des deux faces d’un album, à chaque écoute un peu plus longue, un peu plus poignante pour celui qui sait être absent.

Cette chanson c’est la toile du portrait de Dorian Gray encore intacte, inconnue d’un public qui ne demande qu’à crier au génie ou à brûler celui qui porte les premières stigmates.

Un jour je la crois faite de plomb légèrement cuivré, comme un cylindre qui ne servirait absolument à rien, posé sur une table de travail où jadis on s’est rêvé plus malin que les autres.

D’autres jours, je me vois parfaitement la surplomber légèrement du haut de cette Tower of Songs où les chanteurs vont sur leurs vieux jours faire don de leur dernière élégance. Je la touche presque du doigt mais c’est en vain.

Dans un coin de cette pièce, la nuit de préférence, juste au dessus du miroir vide, un petit point sur un mur plus très blanc. Elle est là. Définitivement absente.

Dans le studio d’enregistrement, les musiciens se regardent à peine. Les notes de guitare s’étirent lentement, la chanson se réveille au sein d’un groupe qui ne désire plus rien si ce n’est qu’un prétexte de ne plus être ce qu’il est devenu, rock star incongrue, bedaine cynique, rictus de flower power. Le groupe n’est plus, la musique, elle, est là. Signe de l’absence immobile.

Dans un coin de ma chambre, la nuit de préférence, juste au dessus du miroir vide, un petit point sur un mur plus très blanc. Je suis là. Définitivement absent avec comme seule compagne l’air d’un tocsin abruti par un pays qui rêve encore de victoire.

Le succès aurait pourtant du les satisfaire, combler leurs désirs les plus fous mais bien sûr cela n’a pas été le cas. Ils se retrouvent aujourd’hui avec sur les bras un album qui a fait un carton partout dans le monde et qui conclue une certaine recherche de suite musicale qui ferait sens. Pas un album véritablement embarrassant, pas non plus le compromis qu’ils n’osent pas nommer. Juste une collection de chansons qui les renvoie à ce qui leur fait cruellement défaut, cette petite étincelle que l’on nomme déjà, derrière leur dos, artiste maudit, trahi par ses anciens collègues.

Un soir, je me surprends à descendre dans le salon pour jouer du piano. Je ne sais pas en jouer mais il faut absolument que je retrouve cette mélodie qui descend les escaliers, marche après marche, pour s’arrêter sur le seuil de la porte. Je m’acharne tendrement sur ce piano qui ne m’appartient pas mais rien n’y fait. Je n’arrive à rien. Je soupire un peu puis me prépare un café. La nuit est longue, une fois de plus. Je résiste à la tentation de retourner m’abrutir sur internet. Je regarde le mur, entre les photos de Denis Lavant et de Leonard Cohen. Il y a un petit point noir, un petit trou laissé par une épingle. Je ne suis plus là.

Si je devais ouvrir la bouche pour dire ce que je ressens, si je devais taper sur le clavier ce que cette chanson m’inspire, je ne laisserai qu’une trace de buée sur la fenêtre par temps d’hiver, je ne laisserai que la trace du curseur clignotant sans relâche à la fin d’un texte qui voudrait arriver à sa fin.

Wish you were here.

2 Comments:

Blogger Mattereaterlad said...

Thanks for checking out the Brisa blog - please let me know where I can find your Bowie blog - I am a big fan.

1:09 AM  
Blogger Stanley White said...

http://www.menofmusic.com

1:04 AM  

Enregistrer un commentaire

<< Home