dimanche, mars 20, 2011

Ciel de cyrillique

Ciel de cyrillique

Tout autour de moi, les signes s’accumulent et me narguent sans cesse. Je sens que le ciel va exploser. A moins que ce ne soit moi. Je ne sais pas trop.

Des heures durant, je reste là, pratiquement immobile, comme face un mur impossible à déchiffrer.

Le temps passe, les bruits autour de moi s’estompent. Je m’efface. Bientôt, je n’ai plus de raison de m’en faire. Pas grave si je ne comprends plus rien à rien et pourtant, j’ai envie de chialer; harassé, écrasé par tant d’absence de sens, je baisse doucement la tête. Pour un peu, on penserait presque qu’il s’agit d’un fruit trop mûr près à s’écraser au sol.

Et si j’arrivais à relever la tête, le ciel serait recouvert de signes en cyrillique.

Et pourtant, j’insiste, je persiste. Je cherche.

Je cherche un motif familier dans un alphabet qui m’est inconnu. Je ferme les yeux et essaye de me représenter précisément de ce dont il s’agit. En fermant les yeux, je me retrouve à ce concert de musique concrète, à Londres, vers 2001 je crois, à l’époque où tout semblait aller de travers à nouveau, cet auditorium construit après le Blitz, ce compositeur allemand qui nous prévient déjà « Fermez les yeux, ne cherchez pas à trouver la mélodie ». Et il avait raison le vieux brigand. Car de cet ensemble de notes disparates, rebondissant au hasard autour de nous, bien plus tôt que je ne le croyais, un motif se fait jour. Une suite de signes distincts du chaos sonore, une mélodie toute simple qui éclot dans mes oreilles.

Un peu comme ici. Dans ce parc ensoleillé. Seul assis sur un banc, la pause déjeuner achevée depuis longtemps. Pas de chance Dame Nature, tu me l’as bien caché mais ça y est. Je l’ai ma mélodie. Je le tiens mon fil auquel je vais pouvoir me rattacher encore quelques jours.

Sous un ciel de cyrillique, je me relève, la main qui se pose automatiquement sur mon appareil photo. Je shoote.

Un couple. Les branches d’un arbre centenaire. Les clous rouillés d’une palissade moisie. Une maman qui se recoiffe en cachette. La fumée sombre d’un pot d’échappement. La devanture bigarrée d’un magasins de disques de jazz.

Tout. Je shoote tout.

Comme le portrait en creux que j’essaye de dessiner aux yeux de celle que j’aime.

Pour Olivier