lundi, mai 08, 2006

Mary Ann

Mary Ann, à genoux, ses mains retiennent sa tête d’exploser.

Elle ne pleure pas, de justesse. Elle se retient au nom de tout ce qui lui est cher. Pourtant, elle devrait. Peut être, peut être pas. Il est s’y dur de s’y résoudre et de d’admettre que l’on a envie de pleurer pour rien, si ce n’est ce déchirement sourd qui court le long de la faille intérieure. La maladie du commun, celle à laquelle personne n’échappe, tôt ou tard elle nous rattrape, la maladie du tout à l’égout, pense t’elle. Beurk. Ce n’est pas pour moi. Et bien si, il faut bien croire que je ne suis pas exempte de cette corvée là. Comment en suis-je arrivé là ?

Elle a cru feindre, jouer à la plus maligne mais elle n’a réussi qu’à se dévoiler chaque jour un peu plus aux yeux de celui qu’elle voulait captiver. Elle, dans toute sa splendeur, une mante séditieuse, une Vidocq amoureuse, aussi inexperte que faussement détachée.

Mary Ann, prostrée et oubliée quelque part sur une partition où tous ses sentiments lui semblaient n’être qu’une très longue suite de fausses notes, toutes plus épouvantables les unes que les autres, toutes aussi bon marché que les produits d’un bazar chinois de Belleville, alors que ce qu’elle était en train de vivre était peut être la plus belle chose qui lui soit jamais arriver. Qui sait ? Personne, ou bien si, une personne qui se cache pour l’instant, tout le monde en fait mais certainement pas elle.

Elle s’en mordrait les doigts si elle n’était pas aussi respectueuse de ses belles mains, s’en vouloir de lui avoir parlé cette nuit encore quatre heures durant. Elle se crèverait les yeux s’ils n’étaient pas, elle le savait bien, un de ses atouts les plus redoutables, de le trouver si beau, lui le guignol à l’emporte pièce, le charmeur de ces dames, aussi paumé qu’irrésistible.

De la fenêtre ouverte de sa chambre donnant sur le parc Montsouris, elle entendait des latinos de la Cité Universitaire voisine venus organiser un pic nic sauvage, sans doute à deux pas du kiosque en fer forgé où elle a vu l’année dernière le concert de An Pierlé. Ces bruits d’allégresse commençaient à l’irriter, par principe aurait elle dit si on lui avait demandé pourquoi, quand bien même elle aurait été incapable de préciser de quels principes il s’agissait.

Elle décida de laisser la tristesse se consumer d’elle-même. Elle écouta donc By this river, une de ses chansons favorites de Brian Eno. La voix si juste et si atonale du chanteur lui convenait parfaitement et avait le mérite de congeler l’instant le temps qu’il faudrait. C’était tout pour aujourd’hui, elle se releva et partit à la recherche de cette revue qu’elle avait achetée ce matin même avec un long article sur Diane Airbus , dans cette même revue elle avait aperçu une photo d’une baignoire. Son rêve aurait été d’avoir une baignoire modern style dans son appartement mais elle ne savait pas où on pouvait en trouver, quel prix cela pouvait représenter et surtout si cela existait vraiment.


(A suivre)

1 Comments:

Blogger . said...

Vivement la suite, j'aime vraiment beaucoup. C'est captivant. Et la métaphore de l'amour comme une partition bourrée de fausses notes me parle tout à fait. Très bien vu.
Allez, LA SUITE! :-)

11:58 PM  

Enregistrer un commentaire

<< Home