mardi, avril 25, 2006

Une autre journée avec Stanley White

Une autre journée avec Stanley White

En face du Champo, j’attends Tom. Autour de moi tout craque, j’ai l’impression que d’un instant à l’autre une crevasse va fendre la façade du cinéma qui passe aujourd’hui La fureur de Vivre et le dernier Tim Burton. Je ne me sens pas bien du tout, c’est sans doute du à la nuit de merde que je viens de passer. Pourtant j’étais hier chez mon amie Jeanne, une soirée entière à parler de tout et de rien, de dédramatiser la vie endiablée de nos amis respectifs, lorsque un peu de distance devient une question de survie, histoire de se dire que nous, nous n’étions pas fous … Alors pourquoi, cette nuit de merde qui a suivi ? Une nuit blanche, non une nuit affreusement noire en fait, retour des pires moments futiles de ma vie, j’essaye de ne penser à rien, je tâche de visualiser un beau sablier mais c’est peine perdue, sans cesse les mêmes images s’imposent. Les Grands Absents reviennent faire un tour et me saluer, je ne leur en demandais pourtant pas tant. Et toutes les fois où j’aurais du dire « oui » et où je me surpris à dire « non », la fois où j’ai pris la voiture complètement bourré au dessus des Gorges de la Loire et où la tentation a presque été la plus forte, puis Siam, cette ado des temps passés qui a été la première a me dire « non », et puis les nuits à l’hôpital, et puis le reste, interminable, à croire que ma vie n’a été faite que de ça, d’ affronts répétés à mon vœu de bonheur immédiat. Tout se paye et cette nuit là, j’ai remboursé les intérêts qui traînaient … il faut croire que je n’avais que ça à faire … D’où ma fatigue d’aujourd’hui, et le sentiment que je marche droit vers une nouvelle faille qui va tout remettre en question ou peut être pas … J’attends Tom. Je suis un peu en avance alors je m’assois à une terrasse et je regarde le petit monde universitaire en ébullition, comme à la parade qui passe devant moi et qui salue parfois obligeamment, les profs lunatiques, leur cours empressée, les autistes et moi … spectateur privilégié, ne pensant absolument à rien.

En face du Champo. Le temps passe plutôt agréablement. Pour une fois, j’étais sacrément en avance et puis Tom se fait un peu attendre. Deux ans déjà depuis cette fameuse projection qui avait bien failli mal tourner. Tom était il présent ce soir là ? Sans doute, vu son goût pour la provoc. Alors qu’est ce qui me fait courir ? Tout ce temps passé à ne rien faire et j’en suis où ? J’ai l’impression que je suis parti pour une belle journée de remises en question à la con … Même pas de fric pour passer à Jussieu pour acheter des disques, me concentrer uniquement sur la perle rare que je ne cherche pas mais que je finis presque toujours par trouver, un single poussiéreux de Neil Young ou une édition bon marché du dernier Ozark Henry, exactement comme ce jour à Brighton où j’ai trouvé avec Joris le 45 t de Song to the Siren de This Mortal Coil …

Bref, j’attends, toujours, j’ai besoin de ma dose d’inattendu mais rien ne vient aujourd’hui … Il faudrait quand même que je pense un jour à démonter le mécanisme de ce désir absurde. Qu’est ce qui me fait courir ? L’inattendu ? Le plaisir de plaire ? Sorry, question oisive … je préfère ne pas savoir quel genre de type je suis … Ce que je n’attends pas, c’est ça … une jeune fille, encore une fille, putains de vaches à lait, une fossette, un tout petit sourire, une jeune fille donc, en face , qui poireaute comme moi devant le Champo, l’inattendu, une italienne qui me demande où sont les toilettes en anglais et à qui je réponds dans un italien de cuisine, un éclat de rire arraché, c’est donc ça ?

Hier la mère de Léandre m’a reporté ce que son fils a dit du haut de ses 4 ans : « Je me souviens de Stan mais je vais bientôt l’oublier ». Ne t’inquiète pas mon Léandre, moi je ne vais pas t’oublier et, qui sait, dans quelques semaines tu viendras peut être hanter mes nuits de merde ….