lundi, mars 21, 2011

Saint Etienne 1998

Saint Etienne 1998

Aujourd'hui, tout comme toi, je suis allé au cinéma, un peu comme tout le monde à vrai dire, un peu comme vous tous, au moment où je ne l'attendais pas. Allez, j’y vais.

J'y suis. Mais pas encore. Cela a commencé ce matin.

Certains gestes, habitudes et autres convenances, futiles et indispensables, qui me manquent parfois, il ne peut pas en être autrement, une cigarette, au café, un bon vin, tout s'enchaîne autour d'un pauvre fantôme qui a perdu le goût de ces choses là. Mon fantôme à moi.

Je t’ ai suivie ce matin. Je te regarde faire, au bureau tabac "gauloises brunes filtres s'il vous plaît", au café "sans sucre merci mais avec une petite goutte de cognac, oui comme ça, ça devrait faire l'affaire", mon regard qui se perd dans des boiseries bouffées par la fumée et les vapeurs d'alcool peut être, Je te perds vite de vue, il y a là un client attablé au Café de Lyon, seul avec son verre de vin, côte du Rhône ou d'ailleurs, attablé avec sa suffisance toute entière, il joue avec son portable, faisant défiler une liste interminable de numéros de filles qu'il n'a pas envie de voir aujourd'hui, son portable qui ne sonne pas. D'autres clients, d'autres chagrins sans doutes, des amoureux pressants dans un coin, un couple d'anglais qui rentre précédé par leur fille, une petite blonde toute remuante et gazouillant quelque chose sur " a cat ", une petite fille qui fonce droit sur le chien du bar qui ne remue même pas lorsqu'elle commence à le caresser, sans queue, ni tête cette filature... Vous êtes déjà sortis.

Je me retrouve au cinéma. A la caisse, un jeune homme qui parle avec une cliente, ses yeux à lui brillent, brillent, pour une fois, sur les marches un fils et sa mère, il lui explique de quoi parle le film qu'ils vont voir, elle n'a pas l'air d'être emballée mais comme c'est un vieux film, elle l'a peut être déjà vu, avant, à Barcelone, avec son défunt mari dont la maman était ouvreuse et les laissait rentrer gratuit parfois, dans la salle, un couple devant moi qui n'arrête pas de se chuchoter des choses à l'oreille et de rire aussi discrètement que possible, à ma droite une orientale qui fixe plutôt durement l'écran comme si elle lui en voulait, à nouveau le couple devant moi et sa voix à elle bien distincte "non, Michael, pas maintenant", le film qui commence, j'ai du mal à me concentrer, "The ghost and Mrs Muir", bien sûr, j'aurais du m'en douter...

Je sors du sentiment, je sors du cinéma, je sors de cette vie qui était la tienne, définitivement, cette fois ci je te la laisse pour de bon.