lundi, mars 21, 2011

Colloque sentimental

Colloque sentimental

Un jour, je ne sais plus exactement quand, un mardi après midi peut être, dans un endroit indistinct, sur les marches d'un hôtel de ville sûrement, après un rendez vous important ou pas, « seul ou parfois même accompagné », sous le soleil radiant ou sous des nuages frondeurs, à travers un sourire distant ou sous des yeux qui ne voulaient rien dire, tu m'as juré que tu y croyais. Je ne sais plus à quel propos, dans quels termes ou dans quel but tu as dit ça, mais tu l'as dit. Et comme réponse : le vide ... et un certain silence épais, presque palpable sur les bords. Comme si tu t'étais adressé à un inconnu, un homme que l'on dessine en creux, celui qui avait longtemps cherché ses mots avant de se taire, celui qui avait fait du vide et de l'absence une belle raison d'être, un prototype de fantôme, en somme.

Comment peut on être ainsi ?, m'as tu dit.
Je ne suis pas, t'ai je répondu sans le vouloir.

Et j'ai ajouté :

" Ce vide là, cette chose effroyable que je ne saurais dire ou bien penser, il est là. On en parle sans savoir ce qu'il signifie vraiment et on fait pourtant semblant d'ignorer ce qui lui donne forme alors qu'il n'y a rien de plus simple. Rien de plus naturel, très chère, qu'un élément, tu sais un de ces éléments qui se croient parfois le droit de penser à la place des gens, qui racontent n'importe quoi et que l'on croit presque par habitude : le feu, l'eau, la terre mais plutôt le vent. Là où se trouve la réponse que tu attends de moi, là où je rêve de me trouver un jour afin d'effacer une bonne fois pour toute cette affreuse croix que j'ai un jour dessiné sur le sable friand, là où il n'y a rien d'autre que moi; moi et un courant d'air. Comme si tout reposait là dessus, sur l'air à facettes obliques. Il y a là cet interstice persistant entre deux certitudes qui se mordent la queue avant de se faire la malle en Indes et pfffffuuiiiiiiittttttt..., un peu d'air qui passe, presque irrémédiablement, et comme par hasard, les dés en sont jetés, ou tout au moins, ils ont bougé, la donne a changé. Le début et la fin de toutes explications: un simple courant d'air, innocent, inoffensif mais pourtant décisif. Qui a décidé à ma place de tant de choses, qui de ces mains que je cache dans mon manteau bleu marine, a écrit ces cent sept lettres depuis un exil involontaire. Cette chose là, si simple qu'elle en deviendrait presque cruelle, comme une erreur prête à être chassée d'un revers de mains, un coup du sort qui s'ignore comme une brise venue de nulle part."

Tu me regardes comme si je n'avais absolument rien dit. Cela n'a donc servi à rien mais ce jour là, sur les marches d'un hôtel de ville, je me suis senti étrangement soulagé. Toi aussi désormais, tu connaissais mon secret le mieux gardé et tu savais très exactement quoi attendre de moi.