Musique à usage personnel: Utopia par Goldfrapp
Musique à usage personnel: Utopia
par Goldfrapp
J'imagine bien souvent une longue
étendue de terre de blanc vêtue. Un empire aveuglant, se refusant à
se soumettre aux divers impacts de la rétine. A la violence de la
couleur, on peut préférer l'absence de choix.
Car c'est ainsi que l'on naît. Sans
choix. La corde déjà au cou, au cas où. On n'a pas besoin de
monstre qui nous pourchasse dans les moindres recoins. Le monstre est
déjà en nous. Dès le début, nous sommes le monstre que nous
craignons le plus au monde.
C'est pour cette raison que nous avons
besoin d'utopies, de nations toutes entières consacrées à nous
délivrer de nous mêmes. Un immense monde blanc dans lequel l'ombre
ne trouvera jamais d'air pour respirer.
C'est ainsi que le mystère perdure.
Jour après jour, à grande peine parfois. La musique ne peut
qu'aider même si elle porte en elle toutes les velléités possibles
et imaginables d'en finir une bonne fois pour toutes avec cette
mascarade ennuyeuse. Et le mystère qui n'en finit pas d’égrener
ses longues lettres de créance comme un prestigieux ambassadeur
vénitien à la cour de Philippe II, un ambassadeur, bien sûr, que
personne n'écoute. On préfère sans doute écouter un peu de
musique?
La musique qui parcourt les espaces
impossibles. Pas un son qui ne me rappelle ce que j'étais avant.
Pas une voix qui ne me force à contempler ce que je suis devenu. Et
après on s'étonne à la vue de mon univers fasciste, mes slogans
répétés à l'infini, les affiches de propagande qui n'ont qu'un
seul but. M'effacer du paysage. Encore un peu de courage et j'y suis.
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