dimanche, avril 17, 2005

Aujourd'hui

Aujourd’hui, la vie continue. Pourquoi s’en étonner ? Pourquoi remettre en question l’ordre établi ?
La vie continue, un point c’est tout.
Et pourtant, aujourd’hui j’ai le regret de vous annoncer que je porte en moi le deuil de cette vie qui continue. Insensible, affreusement ridicule dans sa volonté d’aller là où personne ne l’appelle.
Et lorsqu’elle décide de s’arrêter, là non plus nous n’avons pas le choix. Il faut s’arrêter avec elle, descendre du train, prendre le temps de discuter avec son compagnon de voyage. Tout le monde descend, c’est comme ça et pas question de rouspéter.
Quelque part entre Córdoba et Carmona, là où l’ombre ne se permet pas le luxe de s’arrêter d’ordinaire, là d’où l’expression « el aliento del diablo » est sans doute née ou alors à l’orée d’une de ces forêts interminables qui jouxtent le Transsibérien. Tout le monde est là, proches et inconnus, vieilles connaissances, anciens amours et futurs compagnons, Carmiña, Xavier, Dandy … Rien de plus normal sauf qu’il manque quelqu’un. Je mets plusieurs secondes avant de m’en prendre pleinement conscience mais cela devient de plus en plus évident ; l’évidence même. L’absence prend corps et je gueule en pleurant « où est elle ? ».
La vie s’arrête mais pas pour rien semble t’elle me dire.
Un coup de sifflet retentit. C’est aussi simple que ça. Tout le monde sait ce qu’il lui reste à faire. Remonter dans le train, continuer la conversation improvisée. La machine se remet en marche dans un grincement de ferraille hideux.
A quoi bon protester ? Je fais comme les autres. Je jette un dernier coup d’œil là où nous nous sommes arrêtés et je sais déjà que je vais passer le restant de ma vie à la chercher des yeux, en vain. Autour de moi, les conversations ont repris. Bientôt on n’évoque plus la raison pour laquelle nous nous sommes arrêtés.
Je me sens déchiré, entre une envie de hurler et le souhait de m’arracher la peau. Je goûte finalement à la résignation comme d’autres contemplent la fin.
Je vis, c’est déjà trop et pas assez.