dimanche, juillet 12, 2009

Musique à usage personnel : Dans mon dos de Benjamin Biolay

Dans mon dos Benjamin Biolay

Bien sûr, dans la position qui était la sienne, il n’était pas rare qu’au coin de la rue Bonaparte ou bien à une certaine soirée lorsqu’il rentrait dans une pièce où deux personnes discutaient en aparté … Dans d’autres circonstances aussi. Mais souvent, à n’en pas douter, il ne faisait que constater, prendre en note ces mots qui s’égrènaient autour de lui, parlaient de lui jusqu’à ce que le silence ne se fasse, à nouveau.

Que les gens parlent de lui dans son dos, en soi, ce n’était pas un problème. Seul comptait le vieil adage, noté par Dalí dès son plus jeune âge, à savoir « Peu importe que l’on dise du bien ou du mal de moi, l’important c’est que l’on parle de moi ». Que l’on se méprenne, que l’on cherche à mettre des mots sur ce qui dans le cours de sa vie n’avait plus de sens depuis bien longtemps, voilà bien ce qui ne l’inquiétait pas le moins du monde. Mais que ce soit elle, ça non.

Pas elle, par peur qu’elle n’ait raison. A quoi bon tous ces stratagèmes patiemment mis en place si une seule personne arriverait à percer la cuirasse aussi facilement ? Cela ne doit pas arriver. Un geste doit occulter le sens profond, la parole doit bluffer, faire croire que l’on va jouer pique alors que l’on a que du cœur …

Mais, il n’y peut rien. Elle ne cesse de parler de lui, à ses proches et même parfois aux inconnus rencontrés par hasard. C’en est presque trop. Pourtant, il doit laisser faire car de ces propos surgit parfois la clef, la compréhension même si tout a tendance à se mélanger et à se confondre.

Ainsi, elle parle, elle dit des horreurs parce qu’elle l’aime, elle le couvre de compliments pour qu’on le déteste autant qu’elle. On n’y comprend rien mais on colporte, on tisse à l’envie les liens entre ce qui reste à dire.

Peu à peu un livre s’écrit.

Un livre saigné à blanc dès les premiers mots, un livre qui se lit en creux, qui se lit dans le dos d’un homme qui ne veut plus rien savoir. Peut être un livre qui s’en veut d’être aussi cruel mais … un livre quand même.