dimanche, juillet 12, 2009

Garder à soi

Garder à soi

Garder à soi
Tout ce qui est nécessaire
Pour avoir encore plus mal.

Garder à soi
Tout ce qui a un sens
Pour ceux qui s’arrachent les yeux.

Garder à soi le sel et la terre,
Les affiches et les tickets de cinéma,
Tous les détails pour que je n’oublie pas.

J’aurais aimé tout garder, récupérer exactement tout ce dont les gens se délestent pour voguer plus librement. Voilà ce que je voulais, justement, ne pas bouger, rester un point immuable qui aspire à l’infini. De l’immobilité, j’aurais fait mon refuge. Du silence, j’aurais fait mon langage.

Garder à soi les reçus de la Poste
les timbres oblitérés,
les multiples actes de ma naissance,
les clefs rouillées qui n’ouvrent plus rien,
les photos de gens que je ne connais pas.

J’aurais aimé tout garder pour savoir qui j’ai été, répondre avec justesse aux questions que posent mon prénom, dans la rue, à la terrasse d’un café, à la porte d’une boîte de province, le calme d’une clope après le travail, une route de campagne escarpée qui longe la Loire.

Garder à moi
Tout ce qui à un poids,
Comme une ancre de marbre
Posée sur une table qui ne s’effondrera pas.

Garder pour moi,
Les noms, les adresses, la traboule qui part de la rue de la République,
L’escalier qui longe le parc aux grilles qui ne me retenaient pas plus que cela.
Garder le futile et savoir quoi en faire.

Mais dès le début, je n’ai pas su comment faire et depuis, j’ai tout oublié, je n’ai rien su garder. Je ne sais plus quel est le nom de ce chat blanc, je ne sais pas à qui est adressé cette lettre et surtout, je n’ai pas gardé la saveur des plats, l’odeur et la chaleur des contacts, le nom de ce cafetier qui habitait une cave et ainsi de suite jusqu’à la fin de ce que pourrait être ce texte.