dimanche, février 17, 2008

Nov 1979 LOOK BACK IN ANGER

Nov 1979 LOOK BACK IN ANGER



C’est Jasamine qui parle :


Si je dois citer un moment de bonheur avec Stan ? Je voudrais bien mais là rien ne me vient à l’esprit. Je ne garde hélas que les mauvais moments. Au hasard ? Le début de son éloignement, par exemple. Son indifférence qui jour après jour prenait le dessus sur l’amour qu’il portait pour moi. Car il m’aimait. Ça, j’en suis sûre. Son refus de faire face … Tout ça … Je suis si amère que j’en ai mal au bide. J’attends que ça passe car ça va passer. Je ne vais plus consacrer ma vie à cette amertume qui ne m’appartient plus.

Avec un peu d’effort, le voilà qui me réapparait tel qu’il est vraiment, en lui-même. Le vrai Stanley, celui qu’un accident fortuit de voiture avait précipité dans ma vie. Oui, ce gamin de 5 ans dans le corps d’un homme de 33. Ce type qui se jette à mes pieds en hurlant comme un dingue, en plein milieu de la rue, à une heure où les passants ne peuvent pas mettre sur le compte de l’alcool ce qu’ils voient… Ce gamin de 5 ans qui saute en l’air, impatient de me faire sourire et de m’arracher à mon malaise profond. Cette façon, ce don qu’il avait de faire de moi une reine, unique.

Cet homme là a fini par disparaître lorsque j’ai commencé à être heureuse. Personne ne s’est rendu compte de rien. Il a laissé la place l’ombre de celui que je connaissais, un homme rongé de l’intérieur et de l’extérieur à la fois, complètement bouffé par des angoisses sans nom, ses yeux se perdant dans le vague à chaque fois que l’on tombait sur une bagnole de couleur noire, ancré dans son refus du bonheur. Jusqu’au jour où notre couple a perdu tout sens à ses yeux. Je le voyais désespéré à la recherche d’yeux qui l’admireraient, de bras qui sauraient le serrer mieux que moi. Impuissante. Je ne lui pardonne pas aujourd’hui de ne pas m’avoir laissé l’aider. Il se croyait très malin, il disait qu’il pouvait très bien y arriver tout seul. Résultat des courses : il est foutu et le pire c’est que j’aurais très bien sombré avec lui, quelle andouille j’ai pu être. Les mots sont là, à l’orée de la conscience mais je me refuse à les prononcer.

Je sais qu’il m’a aimé, qu’il m’aime encore mais il ne sait pas, il ne sait rien cet âne.

Si je fais encore un petit effort, je me souviens d’un week end passé à la plage. Cela remonte à peu de temps après notre première rencontre. Un petit coup de folie, le désir de parler à nouveau espagnol, j’avais besoin de soleil, et de son amour. Rien que pour moi. Le voyage dans une Chevrolet noire, bien sûr, les fous rires pour un rien et à tous moments cet incroyable côté beau parleur, la frontière et l’océan rien que pour nous ou presque. Stanley, les yeux écarquillés de voir que la vie américaine faisait aussi bon ménage avec les us et coutumes mexicains pour donner ce que l’on sait, à savoir, n’importe quoi mais en très exagéré. Stanley à la plage, une victoire sur un tas de préjugés, Stanley qui me regarde dans l’eau, cet idiot ne sait même pas nager. Stanley qui regarde la mer, nous sommes tous les deux assis l’un à côté de l’autre, à quelques mètres seulement de l’eau, pour une fois le port de ses lunettes de soleil est justifié, Stan et moi en silence, on ne dit rien, il n’y a rien à dire, c’est un pur moment débile et tout simple. Je me sens aimée et cela me suffit amplement. Comme dit l’autre « maintenant, mon cœur est plein ».

Des moments comme celui-ci, il y en a dix, il y en a mille mais je ne veux pas m’en souvenir. Ils appartiennent désormais à quelqu’un d’autre, à un passé pas si lointain que cela mais que j’ai pourtant bien du mal à considérer comme m’appartenant.

Après tout …



D'après la chanson Look back in anger de David Bowie, album Lodger, 1979.